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Le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 : une évolution, pas une révolution

07 juillet 2012

Encore et toujours, le Conseil européen aura été quasi exclusivement consacré à l’économie et à la finance, compte tenu de la situation très difficile de l’Union européenne en général, et de la zone euro en particulier. Depuis plus de trois ans, l’Europe connaît une sévère crise de la dette souveraine, un secteur financier fragile, une très faible croissance générant chômage et précarité, et des déséquilibres macroéconomiques entre ses membres persistants. Crise d’autant plus longue et douloureuse que cette Europe des 27 Etats-nations morcelés et divisés n’a ni vision, ni pouvoir pour s’en sortir.

Ce Conseil européen a certes adopté d’autres mesures importantes : l’ouverture des négociations d’adhésion avec le Monténégro dès le 29 juin 2012 ; des progrès réalisés sur le règlement Dublin II, c’est-à-dire les directives relatives aux conditions d’accueil et aux procédures d’asile, qui devront être opérationnelles d’ici la fin de 2012 ; des orientations prises pour renforcer la sûreté et la sécurité nucléaires ; la décision d’embargo total de l’UE sur le pétrole iranien dès le 1er juillet 2012 ; et enfin l’UE a renouvelé sa demande de sanctions globales plus énergiques et plus efficaces contre le régime syrien.

Tout cela est certes important, mais je reviendrai sur LE sujet principal qu’est la situation de l’Europe, en panne de gouvernance, de compétitivité et de croissance. Et sur ces questions qui s’aggravent depuis trois ans, le Conseil européen a fait quelques progrès, substantiels quoique insuffisants à l’égard de la gravité de la situation et des enjeux attendus par l’Europe.

Ce conseil européen était le 19ème depuis le début de la crise économique et financière, à tenter de résoudre la crise de la zone euro.

Il s’est déroulé dans un contexte particulier : l’aggravation de la crise en Espagne, avec le problème extrêmement préoccupant de ses banques ; la détérioration aussi de la situation en Italie, malgré les remarquables efforts qu’elle fait depuis quelques mois. On n’a pas parlé de Chypre, dont l’économie ne représente rien au regard du PIB européen, même si Chypre, a pris la présidence de l’UE le 1er juillet. Ni de la Grèce, non plus, comme si ses problèmes étaient réglés… Ou alors, c’est mauvais signe. Seraient-ils prêts à lâcher la Grèce en cas de défaut ? Et puis, il y a surtout les premiers pas du couple « Merkhollande », qui doit trouver ses marques, et qui peine à cacher ses graves dissensions !

Contexte général :

Trois gros problèmes à résoudre :

problème bancaire de l’Espagne : le refinancement de ses banques ne peut plus être assuré par le pays seul. L’Etat espagnol allait être contrait d’emprunter, encore, et à un taux élevé, pour renflouer les banques espagnoles, dont Bankia. Le risque était d’aggraver encore sa dette publique pour recapitaliser une banque, puis d’autres. Insoutenable.

problème de l’Italie : faire baisser les taux d’intérêt auquel emprunte le pays, en réduisant le spread (l’écart) avec le référent allemand. Emprunter à 6 et 7%, c’est également insoutenable.

le couple franco-allemand à réinventer

- Si vous avez aimé Merkozy, vous adorerez Merkhollande !…

Les divergences persistent, et s’aggravent, « enrichies » de formules aigre-douces de part et d’autre du Rhin. Calmez-vous !…

La France réclame un changement de cap de la politique européenne. Elle veut que la croissance redevienne une préoccupation majeure de la politique de l’UE. Hollande en a fait un thème privilégié de sa campagne, et sans doute sa victoire ! L’Allemagne veut d’abord que les Etats assainissent leur situation budgétaire en réduisant leur dette par des plans drastiques de rigueur. Comme le font ou l’ont fait les pays du Nord (les Fourmis).

La France et l’Allemagne doivent faire deux révolutions internes. L’Allemagne doit accepter la relance prônée par la France, et donc l’inflation. La France doit finir par accepter que la solution soit une intégration européenne poussée et donc un transfert de souveraineté à une structure qui ne sera plus … la France ! Les deux pays sont à priorité inversée : l’Allemagne veut bien la solidarité mais exige au préalable une Europe politique intégrée (fédéralisme) qui redevienne vertueuse en assainissant ses comptes publics. La France veut d’abord la solidarité, tandis que pour l’Union politique « on verra plus tard »… Une telle position de la France, qui ne sait pas saisir cette chance historique, est très regrettable, pour elle-même et pour l’Europe.

Décisions et mesures prises

Union bancaire

Mise en place d’une supervision bancaire commune : c’est un acte de nature fédérale, puisque le contrôle des banques ne relève plus des Etats ou de la Banque centrale nationale, mais d’un organe fédéral (piloté par la BCE). Là, c’est une avancée considérable, c’est aussi la contrepartie d’une aide aux Etats et à leurs banques. Donnant, donnant !

La Banque Centrale Européenne voit ainsi sa mission initiale élargie, ce qui est en soi une révolution ! Elle ne se consacre plus uniquement à la lutte contre l’inflation, mais aussi, désormais, à la bonne santé des banques. Cette supervision ne commencera qu’en … 2013.

Le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), doté toujours de 800 milliards d’euros, va pouvoir acheter des dettes sur le marché secondaire. Mais surtout il va pouvoir aider directement les banques (dont les banques espagnoles), épargnant ainsi aux Etats un endettement supplémentaire. Dans le cas de l’Espagne, un emprunt de l’Etat sur les marchés secondaires aurait dégradé un peu plus les comptes publics du pays, aurait entrainé une nouvelle baisse de sa note, et donc, mécaniquement, une augmentation des taux d’intérêt. Un vrai cercle vicieux.

Le MES prend donc le relais. Toutefois, le MES est garanti par les Etats. Ainsi, si les banques espagnoles (et les autres) ne remboursaient pas ou faisaient faillite, ce seraient les Etats qui devraient payer, et cette fois réellement. L’Allemagne garantit pour 28% le MES ; la France pour 21% …

Autre avancée : le Fonds de secours (MES) pourra acheter de la dette d’un Etat sous des conditions assouplies, c’est-à-dire sans avoir à passer par un programme d’assainissement sous la tutelle de la Troïka (Commission européenne, BCE et FMI), comme c’est le cas en Grèce. De même, le MES perd son statut de « créancier privilégié » qui dissuadait les investisseurs privés dont les pays fragiles ont tant besoin. Le crédit sera donc plus facile. Enfin, on espère une baisse du taux directeur de la BCE, donc en dessous de 1% lors de son comité monétaire qui se tiendra … jeudi 5 juillet !

Il y aura une autorité unique dans la zone euro, soit une structure adossée à la BCE, soit la BCE elle-même. Les pays hors zone euro n’y auront pas accès. L’aide sera bien conditionnée à cette surveillance supranationale. Impossible d’y échapper.

Union budgétaire

François Hollande a déclaré que le Pacte budgétaire (qui implique rigueur et contrôle avec la fameuse « règle d’or ») sera ratifié par le Parlement français, sous peu. En français, « sous peu » veut dire septembre. En allemand, c’est tout de suite. Le Bundestag a voté à une large majorité… le jour même, soit le 29 juin ! Pour « sauver la face » du Président frança,s fraîchement élu, a été rajouté un «  pacte pour la croissance et l’emploi ». On rejoue le « coup » du Pacte de Stabilité auquel on avait rajouté « et de croissance » au moment du Traité d’Amsterdam de 1997, à l’époque aussi pour faire plaisir aux Français (le Premier Ministre, Lionel Jospin, en l’occurrence). C’était, cette fois encore, la contrepartie obligée pour faire passer le pacte budgétaire et le contrôle accru de l’Europe sur les budgets nationaux et les banques. Et ce contrôle va coûter cher aux pays qui ne feront pas assez d’efforts pour baisser leur déficit et leur endettement.

Pacte pour la croissance et l’emploi

François hollande a obtenu ce qu’il demandait : à savoir un « pacte pour la croissance et l’emploi » de 120 milliards d’euros. Mais c’est une somme finalement très faible, au regard des réels besoins de l’UE, car 120 milliards, cela ne représente, au final, que 1% du PIB européen, à peine ! Par ailleurs, sur cette somme, il n’y a que peu d’engagements nouveaux : seulement 15 milliards. Tout le reste était déjà prévu et budgété par la Commission depuis des mois.

La BEI (banque européenne d’investissement) voit sa capacité de prêt augmenter de 60 milliards, avec également une augmentation de son capital de 10 milliards d’euros. L’effet de levier global pour les investissements est ainsi porté à 180 milliards d’euros.

Le reste, c’est du recyclage, dont les 55 milliards de fonds structurels non utilisés, que la Commission réaffecte pour les régions les plus pauvres. Donc, dans ce cas, il n’y aura rien pour la France. On fait tourner l’argent. C’est donc essentiellement un effet d’annonce.

Cerise sur le gâteau : on a 5 Milliards de projects bonds (emprunts européens) ! Pour des projets d’investissements d’infrastructures. Cette somme est totalement ridicule compte tenu des besoins aigus de compétitivité de l’UE !

Il faudrait au moins 1.500 milliards d’euros pour relancer sérieusement l’Europe. A titre de comparaison, les Etats-Unis ont injecté 5.000 milliards de dollars depuis 2008… Il faut dire qu’ils sont bien plus endettés que nous, et ont un dollar faible.

Ce Pacte de « croissance » est donc, en l’état, complètement « bidon ». c’est un sparadrap sur une jambe de bois, qui ne relancera l’économie européenne qu’à la marge, et prioritairement les pays les plus en crise… En outre, la croissance ne se décrète pas. Les investissements d’aujourd’hui, à supposer qu’ils soient massifs, feront effet dans 12 à 20 mois… Aussi, Obama et les gouvernements chinois et indien continuent à réclamer la relance de l’Europe. Tout le monde veut la croissance de l’Europe, car toutes les économies du monde sont interdépendantes. Chacun est de plus en plus « responsable » à l’égard des autres. Ce serait presque rassurant… Car cela limite les bêtises.

Qui a gagné ?

Cette question récurrente se retrouve à la une de toute la presse. Et pourtant quelle question étrange, voire stupide ! Ce ne devrait pas être ni un pays ni un chef d’Etat ou de gouvernement, le grand vainqueur, mais tout simplement l’Europe et ses citoyens. Cela prouve bien que l’on reste encore marqué par des questions d’ego-nationalismes, dignes d’une cour d’école, mais indignes de « Grands ». « J’ai plus gagné que toi. Na ! Non, c’est pas vrai, c’est moi qui ait plus gagné ! Re-na ».

Les pays du sud se sont-ils ligués contre les « grands » ? Avec Hollande, allié objectif de Monti et Rajoy ? L’Allemagne gagne-t-elle toujours à la fin ? Et la France, dans tout cela ? Que vaut « son » pacte de croissance ?

Merkel a-t-elle cédé ? Pas tant que cela, car elle obtient la ratification du pacte budgétaire (et de la rigueur et du contrôle qui vont avec) ; elle obtient les project bonds ; et parvient à repousser encore les eurobonds, ces obligations européennes qui rachèteraient de la dette (Angela Merkel ayant déclaré à Paris, le 27 juin, « aussi longtemps que je vivrais, il n’y aura pas de mutualisation de la dette »).

A moyen terme, il y aura bien contrôle supranational des budgets nationaux, et des banques. On avance donc, sans, bien évidemment, le dire, vers une intégration approfondie, vers un fédéralisme budgétaire en tout cas. C’est bien LA décision la plus importante de ce Conseil européen, et la plus sensible politiquement ! Par exemple, l’Allemagne (le Parlement, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe) va-t-elle accepter que la supervision européenne contrôle ses caisses d’Epargne ? Une sacrée épée de Damoclès plane sur l’Allemagne, car dès le 29 juin, jour de vote par le Parlement allemand du MES et du Pacte budgétaire, des parlementaires connus, de droite comme de gauche, ont saisi la Cour constitutionnelle de Karlsruhe sur la conformité du Pacte budgétaire et du MES avec la démocratie, et le transfert de compétences budgétaires et politiques vers Bruxelles que ces textes engendrent… Si la Cour rejetait ces deux textes pour non-conformité avec la Loi fondamentale de 1949, ce serait un coup terrible pour l’Allemagne et l’Europe toute entière, un séisme pire qu’en 2005. Et au pire moment où l’Europe est en panne. Il nous faut attendre 2 à 3 semaines pour connaître le verdict de la Cour.

Monti et Rajoy (respectivement chef du gouvernement italien et espagnol) ont réussi à faire assouplir la conditionnalité des prêts et à ne pas être placés sous le contrôle de la Troïka (BCE, Commission, FMI), tout en étant aidés pour leurs banques. Traitement de faveur par rapport aux Grecs. A court terme, ils ont gagné. Dans leurs revendications, l’Espagne et l’Italie ont été soutenus par la France contre l’Allemagne. La France continue à provoquer l’Allemagne…

Depuis le 29 juin, les taux d’intérêt pour ces pays, se sont resserrés. Les taux d’intérêt espagnol sont passés de 6,1% à 5,8%. C’est bien, mais il n’y a pas de quoi pavoiser quand même…

L’Espagne fait beaucoup d’efforts et continue à prendre des mesures drastiques : le gouvernement vient de voter 27 milliards de réduction des dépenses ( !) afin de faire passer le déficit public de 8,9% à 5,3% fin 2013 ! Avec des coupes sombres sur la santé, le remboursement des soins. Même si cela risque d’être encore insuffisant. A titre comparatif, la France va décider un plan d’économies de 6 à 10 milliards seulement… en 2012. Mais 33 milliards dès 2013. Et ainsi de suite…

On n’a pas parlé de mutualisation des dettes, avec ou sans eurobonds. Il ne faut pas fâcher l’Allemagne, qui campe sur sa position. On peut comprendre que l’Allemagne ne veut pas payer pour tout le monde, mais c’est dommage, car si on mettait toutes nos dettes en commun, on créerait un marché obligataire pan-européen avec un taux d’intérêt commun, qui baisserait forcément car les spéculateurs ne pourraient plus jouer un pays contre un autre. En outre, le marché des obligations serait plus fluide, liquide, car ouvert à tous les Etats, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, où les marchés préfèrent prêter en priorité et au meilleur taux, aux pays les plus crédibles (Allemagne, Etats-Unis).

François Hollande a satisfait son électorat « noniste », de 2005 : il a obtenu une petite rallonge pour la croissance, mais a verrouillé le saut qualitatif fédéral en ne franchissant pas les étapes politiques pourtant absolument nécessaires pour s’en sortir réellement. Il a donc cédé au souverainisme, voire au nationalisme, de gauche. Et en même temps, il a du accepté, devant la réalité de la situation, la rigueur pour des années, compromettant d’ores et déjà sa réélection. Mais on sait déjà que les gouvernements ne peuvent plus être réélus, tellement ils déçoivent.

Et les marchés ? Eux, ils ont compris que les dirigeants européens voulaient, enfin, un peu plus d’Europe. Ils ont salué cela, avec les bourses en pleine euphorie, dès le lendemain. On verra jusqu’à quand… Les Etats ont réagi plus rapidement que les précédents sommets. C’est déjà ça ! Mais ces mesures, si elles vont dans le bon sens, restent trop timorées. Et l’été 2012 sera de toute façon un été à haut risque…

Et le fédéralisme dans tout ça ?

Un progrès politique : car pour la 1ère fois, depuis 2 ou 3 ans, on a pensé un peu à l’avenir et pensé une stratégie de moyen / long terme, que ce soit le fédéralisme ou non. On fait toujours du bricolage et de la plomberie, mais avec des perspectives un peu plus lointaines et solidaires. Même si ce Conseil européen devait réfléchir à l’UEM, et n’en a pas eu le temps (il le fera à l’automne).

La France a encore obtenu que le saut qualitatif vers le fédéralisme soit repoussé aux calendes … grecques. Ce n’est pas la première fois que les Français bloquent. Depuis 1954, avec le rejet de la CED (communauté européenne de défense).

1994 : projet Wolfgang Schaüble / Karl Lammers sur le noyau dur autour de la future zone euro (sans l’Italie à l’époque) pour une Europe plus politique : rejeté par la France (Balladur)

- 2000 : proposition de Joschka Fischer (Ministre des Affaires étrangères de Schröder) qui a lancé l’idée de constitution européenne : dénigré par Chirac et Jospin, qui organisèrent le piètre Traité de Nice

- 2005 : le non français et néerlandais à plus d’intégration politique

- 2012 : F. Hollande qui bloque à son tour, lui, le « bébé » Delors ! Empêtré par ses nonistes de gauche… Et si c’était la France qui devait être sortie du jeu européen, à l’instar de la Grande-Bretagne, pour ses vetos récurrents à l’Europe fédérale ? Il ne faut plus qu’il reste de questions tabou, car nous n’aurons plus le choix…

Conclusion

En vérité, ce n’est pas un sommet de rupture « historique », c’est un sommet de consolidation.

Certes, on a mieux « bricolé » qu’avant, et on a augmenté quand même le contrôle par la Commission des Etats, via « leurs » banques, subrepticement ; et même des Etats directement, via leurs budgets nationaux. Les réponses ont, encore, été plus techniques que politiques. On continue d’avancer « en crabe », sans le dire.

Mais l’avenir économique de la zone euro est sombre : personne ne va arriver au 3% de déficit annoncé, voulu en 2013. Ni la France, ni aucun pays. Donc les marchés vont réagir. Bruxelles aussi…

L’économie continuera d’aller mal, avec une croissance entre 0 à 0,3% en 2012 (alors qu’aux Etats-Unis, la croissance est repartie). L’UE et la zone euro garderont un chômage de masse. Et une politique de rigueur (une vraie, cette fois, pour la France aussi) pour les années qui viennent.

Sans vision stratégique de l’Europe, sans intégration rapide, sans compétitivité, l’Europe ne retrouvera pas de sitôt le chemin de la croissance et de la prospérité, alors même que le monde entier représente de fabuleux clients ! On continue de perdre du temps, et pendant ce temps, le monde avance…

Le populisme et le nationalisme vont donc perdurer, voire progresser. C’est là le pire danger pour une Europe désunie, désincarnée, sans âme ni projets. Et pourtant, on ne veut rien changer à la nature de l’Europe. La France refuse toujours de débattre sur le fédéralisme, et ne veut pas rouvrir les plaies de 2005. On pense que les Français sont majoritairement contre, ce qui est, hélas, probablement vrai… Mais qu’en sait-on au juste, très précisément ? Après tout, les ¾ veulent garder l’euro ! Encore faudrait-il organiser des débats sereins sur le fédéralisme, ses avantages, sa nécessité pour s’en sortir, et rassurer les gens sur le fait que les Etats fédérés ne perdraient pas leur « âme », leur culture, leur histoire, leur langue ! Et qu’ils seraient plus forts dans une souveraineté partagée. Il serait temps qu’un mouvement fédéraliste émerge et descende dans « l’arène » démocratique et politique, sans complexes à l’égard de partis politiques archaïques, à bout de souffle et sans vision autre que leur propre survie…

Ce Sommet européen a consacré aussi la scission de fait de l’UE en 2 : la zone euro et les autres.

Tout progrès désormais se fera avec la zone euro, et l’écart dans tous les domaines se creusera vite avec les « dix autres » pays. Pour une Europe qui globalement va voir diminuer fortement sa démographie, c’est un problème supplémentaire à terme, aussi bien de compétitivité que d’influence géo-politique.

Ce 19ème Conseil européen depuis la crise fut donc un sommet réussi sur un plan technique avec des avancées qui contrent (un peu) les spéculations mais on n’a pas progressé vers l’Union politique, par la faute de la France, tétanisée par son peuple « souverainiste ». Donc rien n’est réglé en profondeur (gouvernance, compétitivité, croissance). Or, un pays seul ne peut plus s’en sortir, surtout sans argent, et dépendant de ses créanciers pour survivre. D’autres crises suivront, qui forceront les Chefs d’Etat et de Gouvernement à aller plus avant encore. Mais on joue avec le feu…

François Hollande, fraîchement élu, ne pouvait sans doute pas aller si vite dès son premier sommet, tant l’opinion publique française est divisée sur la question européenne… Encore qu’on est plus libre les cent premiers jours de mandat qu’après, avec une côte de popularité qui s’écroulera à mesure que la rigueur s’installera. Les propos qu’il a prononcés à ce Conseil européen sont à cet égard révélateurs : « la zone euro ne peut pas rester dans l’état où elle est, c’est-à-dire sans union budgétaire mais surtout sans union bancaire ». En revanche, il se garde bien de ne jamais prononcer le mot « Fédéralisme », préférant parler « d’intégration solidaire ». Et si on doutait du sens de ces deux mots, on est aussi « douché » par cette autre citation : « l’Union politique qui est aujourd’hui évoquée n’a pas de contenu pour l’instant, donc nous verrons ». Et voilà ! Circulez !…

Encore cinq ans de perdu ?

Attention ! L’Histoire repasse rarement les plats. Cette crise avait donné une chance historique à François Hollande, et à la France : saisir la proposition des Allemands d’aller vers l’Union politique. Tout de suite. Tant que sa côte de popularité ne s’était pas effondrée… Fin 2012, il sera déjà trop tard…

François Hollande est un fils spirituel de Jacques Delors. Il devrait se rappeler que François Mitterrand, sur les conseils de Jacques Delors, avait su saisir une chance de l’Histoire : en échange de l’acceptation de la réunification allemande, il avait obtenu d’Helmut Kohl l’adoption par l’Allemagne, et partant par l’Europe, de la monnaie unique.

La situation actuelle de l’Europe exige un compromis de la même ampleur. Elle exige des dirigeants lucides, visionnaires et courageux. Sinon nous sombrerons tous.

Bon été quand même, à toutes et à tous !

Ce billet est issu de la conférence donnée jeudi 5 juillet 2012 à la Maison de l’Europe et des Européens de Lyon - Rhône-Alpes et publiée par Carnet d’Europe, revue éditée par Alain Reguillon.