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Vous consultez les archives de L’Euro-blog d’Alain Malégarie pour le mois avril, 2009.

Monsieur Obama, on vous aime bien, mais pas d’ingérence dans les affaires intérieures de l’Union européenne, Svp! Merci!

13 avril 2009

 

Selon toutes les enquêtes d’opinion, Barack Obama est l’homme politique le plus populaire du monde occidental. Mais, sur le plan politique, il vient de commettre un impair majeur, par son ingérence dans les affaires intérieures de l’UE : je veux bien sûr parler de son appui marqué à la Turquie qui, pour lui, devrait rentrer dans l’UE.

Cet appui a fait l’objet de deux déclarations très explicites, lors du sommet de l’Otan d’abord, puis le lendemain, lors de son voyage en Turquie.

Ce « couac » est dommage, car jusque là il ne s’était pas du tout comporté en arrogant, dominateur comme du temps du médiocre Bush, mais plutôt en médiateur, réservé, et plutôt ouvert au multilatéralisme.

Mais en prônant  l’intégration de la Turquie dans l’UE, il a choqué les Européens, et a relancé le débat avec les pro et anti-adhésions. Ce qui, d’ailleurs, est contre-productif pour la cause qu’il défend !

D’abord, parce que c’est l’Europe, et elle seule, qui décidera. Et Obama le savait très bien. Ensuite, parce que de plus en plus de pays rejoignent la position française, qui est clairement opposée à l’entrée de la Turquie dans l’Union. Enfin, parce que les Turcs eux-mêmes finissent par entendre raison, et plus de 50% de la population n’y croit plus. Même si, de façon hypocrite (ou tactique ?…) le « processus d’adhésion » continue, en ouvrant quelques chapitres d’adhésion. Mais, dans le meilleur des cas, un tel processus durera 10, 15, voire 20 ans. Sans aucune certitude de succès sur la satisfaction des critères requis… De quoi lasser les Turcs, non ?

Il faudrait quand même que les institutions de l’UE aient le courage de dire la vérité aux Turcs, Commission européenne en tête : il ne faut pas humilier les Turcs, et faire comme si le processus devrait continuer…. Car, à l’évidence, ils ne veulent ou ne peuvent pas satisfaire à tous les critères…

Depuis des années, j’ai eu l’occasion de rappeler (y compris en public !) pourquoi les Turcs ne peuvent pas, ne doivent pas rejoindre notre Union, patiemment construite depuis 50 ans. La Turquie ne remplit pas les stricts critères d’adhésion, un point c’est tout. Alors, pourquoi tourner autour du pot ? Car il y a trois types de critères à remplir, pour adhérer, et ce quelque  soit les pays. C’est le Conseil européen de Copenhague de 1993 qui les a édictés. Ils s’appliquent à TOUT candidat, et heureusement.

- des critères démocratiques : tout le corpus de nos valeurs, démocratie, droits de l’Homme, égalité homme/ femme, etc.

- des critères économiques : avoir une économie de marché capable « d’encaisser » la rentrée dans l’UE.

- l’acceptation de tout « l’acquis communautaire » depuis 50 ans : il faut adopter tous les textes juridiques, dans tous les domaines : police, justice, culture, fiscalité, budget, etc.

Or, quand bien même la Turquie est un grand pays, dynamique, travailleur, qui a fait de gros efforts, qui sait s’adapter, et qui pourrait, dans une ou deux décennies, satisfaire aux 2ème et 3ème critères, il resterait les premiers critères, où là, le bât blesse. Et grandement.

Je le dis directement et franchement : la Turquie n’est pas euro-compatible, à l’évidence, et durablement, pour au moins 5 raisons majeures. Une seule suffirait d’ailleurs ! Car les critères d‘adhésion, c’est TOUT ou RIEN, un candidat ne choisit pas de respecter ce qui l’arrange. Ce ne sont pas des critères « à la carte »…

1)    La Turquie ne reconnaît toujours pas le génocide arménien. L’Europe, elle, a pu assumer et réparer ses crimes d’Etat. Sinon, il n’y aurait pas eu d’Union, de réconciliation entre nos peuples. Comment accepter un pays qui refuse de reconnaître l’indicible ? Cela seul suffit à refuser la Turquie dans l’Union. Sinon, nous renions tout ce que nous avons fait depuis 1950 !

2)    Le pays doit respecter tous les fondamentaux démocratiques de l’Europe. C’est-à-dire être devenu une vraie démocratie dans tous les domaines. La Turquie en est loin. L’abolition de la peine de mort qu’elle a décidé ne suffit pas ! Des journalistes sont en prison pour délit d’opinion. Les femmes sont maltraitées, et leur « statut » est très inégalitaire par rapport aux hommes, beaucoup plus que dans les pays de l’Union. Les minorités religieuses sont inquiétées, harcelées, ce qui est un comble pour un pays qui se prétend « laïc ».

3)    La Turquie ne reconnaît pas les massacres des Kurdes. Au-delà du problème moral, c’est une injure à toute la construction européenne, à ses valeurs sacrées, aux institutions de l’UE, et aux actions du Conseil de l’Europe en faveur du droit des minorités et des plus élémentaires droits de l’Homme.

4)    La Turquie ne cède pas d’un pouce non plus sur Chypre. Elle a envahi militairement toute la partie nord depuis 1974 ! 35 ans plus tard, l’annexion et l’occupation continuent. C’est contraire à nos valeurs. Pire, elle refuse même tout accès de ses ports et aéroports aux bateaux et avions chypriotes !!! Comment faire rentrer dans la famille Europe un membre qui refuse de parler à un autre membre, qui, lui, en fait déjà partie ?! Là encore, ce serait nous renier.

5)    Combien de fois faudra-t-il rappeler que la Turquie ne fait pas partie du territoire de l’Europe ? Ou, à tout casser, 5 % (le Bosphore !). Mais 95 % se trouvent en Asie mineure ! Il faudra quand même que l’UE clarifie définitivement les limites de son territoire, afin d’éviter à l’avenir d’autres « plaisanteries » ou malentendus… Où finit l’Europe ?

 

Outre ces critères de Copenhague, que tout candidat doit respecter (sinon on perd notre âme !), l’UE a défini, en 2006, un principe qui, lui aussi, est rédhibitoire pour l’adhésion turque : il s’agit, sur le plan économique, d’apprécier la capacité d’absorption d’un pays par l’UE. En clair, il ne faut pas qu’un pays, par sa taille, son poids, risque de déstabiliser, en terme de marché économique intégré, l’Union. Cela vaut naturellement pour la Turquie ou pour d’éventuels futurs candidats « poids lourds » de type Ukraine, Russie. A bon entendeur.

Ce critère ne concernera évidemment pas les adhésions ou candidatures de petits pays européens comme la Croatie ou la Macédoine.

Tout cela, le président Obama le sait pertinemment. L’union européenne, tôt ou tard, dira non à la Turquie. Un nombre croissant de pays européens est désormais sur cette ligne, à commencer par le couple franco-allemand.

Non à l’Union, mais oui à un partenariat privilégié, important, sur le plan économique bien sûr (et non politique). Pour la Turquie, voire pour d’autres (Maghreb).

 

Donc, assez d’hypocrisie. Il serait dangereux de penser que le temps « arrangera les choses », et que l’opinion publique se lassera… En 48 heures, monsieur Obama a ravivé  cette plaie et du  coup a… - paradoxe - lancé une campagne européenne qui tardait à démarrer !

Il faut clarifier cette question des frontières de l’Europe, et vite. Sinon cette question va (encore) empoisonner le débat de la campagne des Européennes (comme en 2005 pour la Constitution) alors qu’on a tant de choses importantes à dire pour l’Europe et les Européens.

Le président Nicolas Sarkozy est, lui, clair sur la Turquie. La chancelière Angela Merkel aussi. D’autres Chefs d’Etat sont plus flous. La Commission aussi… De plus, la Constitution française permet dorénavant de consulter le peuple sur une adhésion. Or, il faut l’UNANIMITÉ de TOUS LES PAYS de l’Union pour qu’un pays rentre : donc la Turquie ne rentrera pas !

Je sais bien qu’on a dit oui aux Turcs depuis 1963, qu’on les a fait rentrer dans l’OCDE, dans l’OTAN, dans tout. On leur fait miroiter l’UE depuis 40 ans. Alors aujourd’hui, certains sont un peu gênés aux entournures. Car, depuis, les opinions publiques se sont réveillées, dans les années 2000.  Et il faut bien en tenir compte, au nom même des valeurs démocratiques sur lesquels nous avons fondé notre modèle d’Europe. On ne peut pas faire l’Europe sans les peuples.

Si les politiques cherchent à biaiser ou à gagner du temps, les peuples eux, ont l’air de savoir ce qu’ils veulent… ou ne veulent pas. Alors, écoutons les.  Donc, ayons du courage, et disons la vérité aux Turcs. Adhésion non, partenariat oui. De toute façon, le peuple a toujours raison.

 

Monsieur Obama a fait de l’œil aux Turcs, car il en a trop besoin  (Otan, Afghanistan, Irak). Mais il le fait sur notre dos. De ce fait, il s’ingère dans nos affaires intérieures. Il s’ingère dans la campagne des Européennes, qui démarre. Les Européens savent ce qu’ils ont à faire. Après mille ans de guerres civiles, deux guerres mondiales, et l’ « invention » au 20ème siècle par des Européens des deux plus grandes barbaries – nazisme et communisme -, ils savent d’où ils viennent, et où ils sont arrivés. Les mots de « démocratie » et de « droits de l’Homme » ont un sens. L’Europe est un modèle en la matière, reconnu très au-delà de l’Europe.

On ne peut pas prendre des pays qui sont à des années-lumière de ces valeurs, ou même plus près. Pas « d’à peu-près ». Nos valeurs, chèrement acquises ou retrouvées, ne sont pas négociables. Ni fractionnables, ni « amputables ». C’est tout, ou rien.

 

On ne badine pas avec la démocratie, ni avec les droits de l’Homme, ni avec la mémoire des génocides ou autres crimes.

L’Europe est un modèle. Pas un compromis.

L’Europe, elle se mérite. Avec toutes ses valeurs.

Nous devons rester vigilants et exigeants. Pour la survie de nos valeurs. Pour notre survie tout court.