Un espoir pour l’Europe, avec le nouveau Parlement…. Une hypocrisie collective, avec les subventions agricoles
09 août 2009Le 7 juin 2009, les citoyens européens ont élu leurs représentants au Parlement européen. Ils sont 736 et exerceront un réel pouvoir pendant 5 ans.
A quoi ressemble ce nouveau Parlement ?
Tout d’abord, c’est un Parlement fortement renouvelé : 50% des parlementaires siègent, ici, pour la première fois. Avec, comme à chaque fois, des différences fortes entre pays : il n’y a qu’un nouvel élu à Malte (1 sur 5 députés) ; et il y a 100% de nouveaux députés pour représenter l’Italie, soit 72 nouveaux qui doivent tout apprendre et découvrir, dont les trois très controversées Veline, ces jeunes et jolies demoiselles choisies par Silvio Berlusconi, le Président du Conseil italien. La France, comme souvent, se situe dans la moyenne européenne : il y a 43 nouveaux eurodéputés, et 20 qui ont été réélus. Pour la circonscription Sud-Est (regroupant les régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côtes-d’Azur et Corse), ils sont 8 nouveaux sur 13 députés).
Pour les femmes, la parité était de mise dans l’élaboration des listes électorales. Mais cette parité des listes ne donne pas obligatoirement une parité parmi les élus : au palmarès des plus féministes, la Finlande, qui a 62% d’eurodéputées femmes, suivie par la Suède, avec 56%, puis l’Estonie, avec la moyenne de 50%. L’exemple vient souvent de l’Europe nordique ou baltique. Parmi les moins bons élèves de la classe européenne, Malte qui n’a pas envoyé à Strasbourg aucune femme ; ou bien la République tchèque ou la Pologne qui, respectivement, n’ont que18% ou 21% d’eurodéputées femmes. Et la France ? Elle atteint le chiffre de 44% de femmes élues. Rappelons qu’à l’Assemblée Nationale, ce score est moins glorieux puisqu’il n’est que de 18,5%.
La benjamine est danoise (25 ans), le senior est français (81 ans).
Tous ces députés européens travaillent dans des commissions parlementaires. Trois commissions sont ainsi présidées par des Français : la Commission du budget présidée par Alain Lamassoure (PPE, le parti majoritaire) ; la Commission de l’emploi et des affaires sociales présidée par Pervenche Bérès (PSE, le deuxième groupe politique) ; et la Commission du Développement par Eva Joly (Europe Ecologie). 6 autres eurodéputés français ont été élus vice-présidents des commissions des affaires étrangères, du commerce international, de l’environnement, du marché intérieur, et du droit des femmes et égalité des chances.
Le nouveau président du Parlement européen est un Polonais, Jerzy Buzek, âgé de 69 ans, ancien Premier Ministre, de 1997 à 2001, et issu du célèbre syndicat Solidarité. Il a été très confortablement élu, avec 77,8% des voix (soit 555 voix sur 736), très au-delà de son parti de rattachement (le PPE). Il a été élu pour 2,5 ans, à l’issue desquels, suite à un accord politique entre le PPE et le PSE, il sera remplacé par un socialiste allemand, Martin Schulz. Une fois de plus, l’Europe démontre sa culture du consensus, et sa volonté d’avancer ensemble sur des majorités d’idées, car aucun groupe n’a la majorité absolue. Difficile à comprendre pour les latins que nous sommes, et qui cultivons le culte du conflit et du clivage au-delà des différences stratégiques légitimes. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire dans cet euro-blog, le Parlement européen nous donne en permanence de belles leçons de démocratie, de tolérance, d’ouvertures : on ne s’invective pas en séance, on ne s’injurie pas, on écoute poliment le collègue d’un « autre bord », on ne l’interrompt jamais. Par rapport à nos joutes nationales, on croit rêver.
La fonction de président du Parlement européen est une fonction symbolique. Mais très prestigieuse, vu l’importance croissante du Parlement. Et l’élection d’un Polonais à ce poste consacre enfin l’entrée pleine et entière de cette Europe dite « de l’Est » qui a rejoint la Communauté en mai 2004. Comme dit Joseph Daul, eurodéputé français, et président du PPE au Parlement européen, « nous n’avons plus une Europe de l’Ouest et une Europe de l’Est, mais une seule Europe ». Jerzy Buzek lui-même a eu cette formule : « depuis cinq ans, nous construisons ensemble l’Europe unie. Il n’y a plus de « nous » à l’Est et de « vous » en Europe occidentale ». Quel symbole ! 20 ans après la chute du Mur, un ancien citoyen de l’Europe de la « honte » et du totalitarisme communiste (pas totalement éradiqué dans le monde…) contre lequel il a lutté toute sa vie, préside le Parlement le plus démocratique du monde. Après la déception d’une abstention forte (57,5% en moyenne UE, mais … 60,5% en France !), voilà enfin une bonne nouvelle. L’Est a enfin rejoint l’Ouest, vingt ans après, sur le plan des institutions majeures de l’UE. Puissions nous en tirer quelques leçons, en changeant notre regard sur nos « cousins » d’une Europe réunie, et en étant plus solidaires en temps de crise.
C’est vraiment cela la grande nouveauté de ce Parlement dont on mesurera rapidement les pouvoirs considérables qu’il a désormais, et ce dans tous les domaines de la vie pratique.
Je voulais terminer sur cette note d’espoir, mais voilà que l’actualité m’oblige à vous parler de la question du remboursement des subventions indues aux agriculteurs. Une fois de plus, on va monter l’opinion publique contre l’Europe, qui ne fait qu’appliquer des textes voulus, pensés et rédigés par les ETATS !! Quelle hypocrisie !
J’y reviendrai à la rentrée, et ce sera sans doute un nouveau… coup de gueule.
Car ce sujet va, je le crains, « mousser » tout l’été : encore une fois, la Commission réclame à quelques « pseudo-naïfs » des sous donnés indûment… De qui se moque-t-on ?
Depuis plus de 50 ans, l’Europe fonctionne en économie du marché, avec le principe –entre autres – de « concurrence libre et non faussée ». La France, principal pays bénéficiaire, et principal pays fondateur avec l’Allemagne, a imposé ces règles. Et ça lui a rapporté gros. Très gros même. Soyons honnête, SVP ! On va épiloguer sur quelques centaines de millions d’euros à rembourser (pour 17 ans de subvention ! 1992-2009), alors qu’on touche 14 milliards d’euros par an de l’Europe, dont près de 9 milliards d’euros pour la seule… PAC ! On veut vraiment se mettre à dos tous nos partenaires ? On va balayer plus de 50 ans de redistribution ininterrompue pour quelques euros ? Au nom du nationalisme, ou de l’arrogance de celui qui s’est fait piquer la main dans le pot de confiture ? Ou de l’ignorance des journalistes sur le fait communautaire ? Sachons raison garder, SVP, et comparons ce qu’on gagne et ce qu’on perd avant de crier au loup ou au « scandale ».
Oui, la Commission est dogmatique, car les Etats l’ont construite comme cela. Elle est aussi régulatrice, protectrice : droit de la concurrence, protection des consommateurs, en matière de santé, d’environnement. Elle est ce que les Etats en ont fait. Alors soyons honnête, et cohérent : ou la loi est mauvaise, et on la change : et TOUS LES ETATS ONT LE POUVOIR DE LA CHANGER. Ou on la considère comme utile et on la garde. Mais alors on assume !
J’observe d’ailleurs que, depuis 1957, seul Nicolas Sarkozy, en tant que président de l’UE au second semestre 2008, a réussi à corriger cette tendance libérale de la Commission en modifiant le texte dans le futur Traité de Lisbonne (qui sera, j’espère, validé par le peuple irlandais le 2 octobre prochain). La concurrence « libre et non faussée » devient ici dans ce Traité un moyen et non plus une fin en soi. C’est déjà pas mal, non ?
Alors, en attendant, examinons sereinement les enjeux pour la France ;
La France n’a rien à gagner de ces fausses querelles. D’abord, parce que le droit communautaire s’applique à tous, surtout à ceux qui, depuis 1957, … l’ont écrit de A à Z ! Assumons, respectons l’Histoire, et n’injurions pas l’avenir.
Car, dès 2010, les négociations vont s’engager sur la réforme de la PAC, applicable dès 2013. En gros, il s’agira d’aligner la PAC sur les contingences OMC, ce qui pourrait remettre en cause les Etats qui reçoivent le plus ( si vous voyez ce que je veux dire…). J’y reviendrai dans un futur post. En gros, plusieurs pays (et pas que les Anglais…) nous attendent au tournant : la France touche, je le rappelle, près de 9 milliards d’euros par an au titre de la PAC ! La France aura donc bien besoin de l’appui de ses alliés en la matière (Espagne, Portugal, Italie…).
La France joue gros aussi pour la gouvernance de l’exécutif européen. Il ne fait plus aucun doute que José Manuel Barroso sera reconduit à l’automne à la tête de la Commission pour un second mandant. Car il arrange (presque) tout le monde, par sa discrétion et son immobilisme… Mais il n’y a pas que le Président de la Commission. Il y a des postes de commissaires absolument stratégiques, essentiels, comme celui du Marché intérieur. C’est clairement le poste de n°2 de la Commission, qui confère donc un pouvoir européen et même mondial (par rapport à l’OMC) énorme. La France devra donc composer avec Bruxelles et ses voisins, afin de ne pas compromettre les chances de Michel Barnier. C’est trop important pour l’Europe, car lui, au moins, est un Européen sincère et convaincu, et aussi pour les Français, car à un tel poste sensible, il tentera de réconcilier les Français et l’Europe.
A bon entendeur…
Bonnes vacances à toutes et à tous. Bon courage à ceux qui sont déjà revenus. Pensées à ceux qui n’ont pas pu prendre de vacances…Et à tous, je donne rendez-vous à la rentrée pour de nouveaux coups de gueule… et coups de cœur.