BARROSO II : MIEUX QUE BARROSO I ? …
27 septembre 2009Les jeux sont faits : José Manuel Durão Barroso a été réélu par le Parlement européen pour un second mandat de 5 ans à la tête de la Commission Européenne, soit jusqu’en septembre 2014.
Le résultat de l’élection était connu. La désignation de J.M. Barroso était certaine depuis longtemps, plus par raison que par passion, et dès lors que le parti majoritaire – le PPE – avait été reconduit aux élections européennes du 7 juin 2009.
Seul le nombre de voix à obtenir était incertain. Serait-il élu par une majorité simple ou une majorité absolue ? La question n’était pas que juridique, mais aussi politique. Car l’Union européenne est actuellement régie sous le régime du Traité de Nice qui prévoit que le Président de la Commission soit élu par le Parlement à la majorité simple. Mais si le Traité de Lisbonne est adopté, l’élection du Président de l’Exécutif européen ne peut se faire qu’à la majorité absolue, ce qui change tout.
Eh bien, le score de Monsieur Barroso est sans appel, il a été élu à la majorité absolue : 382 votes pour, 219 contre, et 117 abstentions (sur 718 votants pour les 736 députés). Donc, dès l’adoption du Traité de Lisbonne, il n’aura pas à repasser devant les députés.
Cette élection est donc tout à fait légitime, puisque J.M. Barroso a obtenu bien plus de voix que les 265 députés du PPE (droite et centre droit). Beaucoup de socialistes ou socio-démocrates (PSE) ont voté pour lui.
Décidément, l’Europe fonctionne de façon plus consensuelle.
Il est vrai que trois dirigeants socio-démocrates (Messieurs Zapatero, Socrates et Brown) l’avaient soutenu, malgré la candidature du danois P.R. Rasmussen (PSE) ! A droite, personne n’a osé se présenter contre M. Barroso !
Election légitime, donc.
Est-elle opportune ?
Pas vraiment. Sur tous les bancs du Parlement (même au PPE), on est au minimum réservé. Quand on lit les titres de la presse européenne, toutes tendances confondues, c’est bien pire : « élu sans enthousiasme. Homme caméléon. Homme girouette. Aucun charisme. Subordination aux Chefs d’Etat et de Gouvernement. Un mandat aux rabais ».
J’arrête là avec les qualificatifs et autres sobriquets.
La presse est quasi unanime. Les peuples européens aussi, si l’on en croit le sondage d’Euronews de la semaine dernière, à la question : « approuvez-vous cette réélection ? ». Oui : 31%. Non : 55%. Indécis : 14%
M. Barroso, à l’issue de son premier mandat, n’a pas été vraiment à la hauteur des enjeux de l’Exécutif de la première puissance économique du monde. Toutes les initiatives sont venues du Conseil européen. A force de jouer toujours le consensus pour assurer à tout prix sa réélection, la Commission a perdu tout rôle politique, elle qui est pourtant chargée de défendre l’intérêt général. Durant la crise économique, il s’est posé en total suiviste des Chefs d’Etat et des Présidences du Conseil européen : sur les réponses à la crise (merci la Présidence française !), sur l’environnement, sur tous les défis géopolitiques de l’Europe.
Absence totale d’idée, de projet, de présence.
Bref, il arrangeait tout le monde : le Conseil européen comme le Parlement. Aussi les 27 Chefs d’Etat l’ont adoubé ! Il leur laisse le champ libre ! Mais ce n’est pas rendre service à l’Europe, face aux immenses défis des mutations du monde. Il faut que les trois institutions fonctionnent, et se respectent, et que chacun ait un peu d’initiative dans le respect des deux autres.
Depuis 1957, il y a eu des grands Présidents de Commission, qui ont fait avancer les choses, et ont joué leur rôle « d’aiguillon » utile. L’Allemand Walter Hallstein (la PAC), les Français François-Xavier Ortolli (le marché commun) et Jacques Delors (l’euro), et même Romano Prodi (l’élargissement). Qui se souviendra de Barroso I ? …
Pour être réélu, il a tout promis aux Chefs d’Etat et à la Tribune du Parlement européen : d’être moins libéral, de combattre le dumping social, d’œuvrer pour le développement durable, d’agir pour la régulation financière.
A la bonne heure !
« Mon parti c’est l’Europe » a-t-il martelé ces dernières semaines. Tout un programme ! On ne demande qu’à voir…
Certes, on peut espérer quelques commissaires de grande valeur dans la future Commission Barroso II, mais c’est surtout son Président qui est reçu dans le monde entier… On a donc raté le coche, à un moment où Obama prend ses marques, et où l’Europe pourrait redouter un trio (infernal ? ) USA-Chine-Russie. On voit bien au G20 que les intérêts européens sont souvent divergents des autres puissances. Quand ils ne sont pas divergents entre eux… Et là, seule une Commission forte pourrait réguler…
Il fallait une Commission forte et audacieuse face à la crise économique, face aux défis de la mondialisation, du changement climatique, de la sécurité énergétique, et des tensions – diplomatiques ou terroristes – du monde.
Il faudrait que cette Commission joue un rôle essentiel, et non marginal face à ces défis et enjeux, et face à l’addition d’égoïsmes nationaux croissants.
En leader, et pas en suiviste, ou en servile.
L’Europe méritait mieux !