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Vous consultez les archives de L’Euro-blog d’Alain Malégarie pour le mois mai, 2015.

Brexit or not Brexit ?

31 mai 2015

29 mai 2005 – 29 mai 2015. Dix ans.

Dix ans déjà que deux pays (France et Pays-Bas) ont dit NON au referendum sur le projet de Constitution européenne. Les Français à 54,7%, les Hollandais à 58%. Dix ans après, un sondage révèle que les Français, si c’était à refaire, seraient … 62% ! En 2005, la construction européenne, pourtant nécessaire, s’est arrêtée net. Alors même qu’une avant-garde était passée à l’euro, et qu’il aurait fallu progresser sur les harmonisations fiscales, sociales, salariales, budgétaires, afin de mieux accompagner l’euro. Cela était prévu.

Les dirigeants de l’époque n’ont pas été à la hauteur. Par tactique politique, ils ont été dans le sens du « poil », quand ils n’ont pas fait de la surenchère dans le dénigrement de l’Europe. Ce fut à la fois lâche et honteux.

Depuis 2005, l’Europe n’est pas repartie, avec, en prime, une présidence de la Commission européenne fade, soumise aux chefs d’Etat et de gouvernement. Il faudra attendre la sévère crise financière, importée des Etats-Unis, de 2008, pour que les dirigeants européens, acculés, relancent (avec retard !) la machine de la solidarité et de l’intégration : le FESF puis le MES (mécanisme européen de solidarité), l’Union bancaire, l’émergence d’un smic européen, puis la baisse des taux d’intérêts, les rachats de titres de dette, puis plus récemment, le plan Juncker de relance par des investissements dans chaque pays et l’injection massive de liquidités ( 60 milliards par mois, 1.100 milliards au total) de la Banque centrale européenne.

La crise a prouvé, une nouvelle fois, que dans une telle tourmente économique, financière, budgétaire (dette), on ne s’en sort qu’ensemble, et unis. Mais certains (rares !) voudraient « profiter » des effets de la crise (chômage élevé, perte de pouvoir d’achat) pour accuser l’Europe de tous les maux et tenter de sortir de l’UE, en en faisant de plus en plus un bouc émissaire (à tort). En posant démocratiquement au peuple la question radicale de la sortie du pays. C’est la voie que semble (restons prudents, l’eau coulera sous les ponts de la Tamise d’ici fin 2017 !) avoir choisie David Cameron, Premier ministre britannique, brillamment réélu, et qui a donc promis ce référendum sur la sortie de l’UE du Royaume-Uni.

Alors, tout le monde (politiques, média) s’enflamme : « Brexit » or not « Brexit » ?

Examinons cela de plus près.

Le vote des Britanniques aux dernières législatives est sans appel. Ils ont maintenu David Cameron comme Premier Ministre, à une large majorité. Un tel succès est du à de bons résultats économiques : un PIB revenu au niveau d’avant la crise de 2008, de bonnes exportations et un taux de chômage très faible (5,4%).

Mais, outre l’enjeu national, cette élection avait un autre enjeu, européen cette fois. Car la réélection de David Cameron implique la réalisation d’une promesse électorale (même si les politiciens, en principe, ne respectent jamais les promesses électorales !). Cette promesse, c’est la tenue de ce fameux référendum. Bien joué. David Cameron est un habile manœuvrier, quand on sait que lui ne veut absolument pas se retirer de l’UE. Il n’est pas fou. Mais en promettant ce référendum, il a piqué beaucoup de voix à l’UKIP, ce parti europhobe, qui était, il y a à peine un an, le grand vainqueur des élections européennes. 24 sièges au Parlement européen  contre 1 seul siège au parlement national, cette fois. Pas de quoi crier victoire ! David Cameron a su drainer vers lui les euro-tièdes et euro-sceptiques. Mais aussi, les nationalistes gallois et écossais qui, eux, d‘ailleurs, ne veulent absolument pas quitter l’Europe. Ils veulent même intégrer l’eurozone !

Sur le papier, donc, le retrait de l’UE du Royaume-Uni semble nettement improbable, et il suffit pour cela d’examiner la situation politique, car tous les travaillistes, une large majorité des conservateurs, et les nationalistes gallois et écossais, voteraient pour le maintien dans l’UE. Seuls l’UKIP et une petite minorité voteraient pour le retrait. Bref, le pari politique de Cameron n’est pas si risqué que cela. Car les gens ne sont pas fous. Quels que soient les reproches faits à la gouvernance de l’UE (dus d’ailleurs aux égoïsmes nationaux de ses dirigeants, les avantages l’emportent largement : interdépendance économique, fonds européens, protection des personnes contre le terrorisme, coopération militaire, policière et judiciaire, rabais britannique à sa contribution budgétaire, coopération monétaire forte entre la BCE et la City de Londres. Bien que les Anglais n’aient pas l’euro, leur politique monétaire se cale parfaitement avec celle de la BCE. Bref, après s’être éloignée de l’Amérique il y a quelques décennies, la Grande-Bretagne ne peut tourner le dos à l’Europe. Son poids dans le monde serait totalement fragilisé. Le PIB du Royaume-Uni reculerait de 2,3% d’ici à 2030, selon de nombreux calculs convergents. Ses principaux clients et fournisseurs sont allemands et français. A propos, que ferait Airbus ? Resterait-il en Grande-Bretagne ? Mériterait-elle d’avoir sur son sol le fleuron de la réussite industrielle européenne ? La City a prospéré grâce à l’euro. Sans l’euro, elle perdrait sa place de première place financière dans le monde. Car l’euro c’est déjà 27% des réserves mondiales de change. Beaucoup de transactions, d’obligations, d’assurance-vie sont en euro ! Il faut savoir que ¼ des capitaux investis à la City viennent de l’UE et la plupart sont en euro ! Que l’on est l’euro ou pas ne change rien : l’euro est devenu, en un peu plus de quinze ans, une devise mondiale incontournable, pour tout pays européen, et même bien au-delà !

En outre, une sortie de l’UE favoriserait la dislocation du Royaume-Uni, car les Ecossais pourraient en sortir, mais candidater pour y rentrer aussitôt sous leur propre bannière, SANS que le Royaume-Uni puisse mettre son veto à cette candidature, vu qu’il ne serait plus membre de l’UE ! En clair, le Royaume-Uni serait dehors, et l’Ecosse dedans. Londres ne serait plus une capitale européenne, elle serait la capitale …. de la Grande-Bretagne.

Par raison, par sagesse, avec ou sans référendum, les Britanniques ne sortiront pas de l’UE. J’en suis convaincu. Ils demanderont des aménagements, des concessions que les 27 autres Etats ne leur accorderont pas, ou peu. David Cameron, aussitôt réélu, vient d’entamer un tour des capitales européennes pour convaincre ses homologues de lui faire des concessions, des « aménagements » sur ses obligations envers l’UE… Ben voyons ! C’est une tradition, chez les Britanniques. Depuis le rabais britannique obtenu par Mme Margareth Tchatcher (I want my money back !). Après Paris et Amsterdam, Cameron va continuer son petit chantage, du genre : aidez moi à détricoter l’UE et je n’appellerai pas à voter pour la sortie de l’UE lors du référendum. Classique. C’est le « retenez moi ou je fais un malheur ». Il ne faut pas céder, car on ne construit pas l’Europe par défaut, sur du chantage, par petit calcul mesquin, elle vaut mieux que cela l’Europe, l’Europe des peuples, de la démocratie, de la solidarité. Messieurs, les Anglais, tirez les premiers : sortez, si vous osez !

Comme les Grecs, personne ne veut sortir de l’UE. Nos partis politiques, je veux parler des plus extrémistes, ceux qui sont les plus europhobes, même si les partis « classiques » ont aussi, hélas, leurs extrémistes europhobes, qui pensent encore que la France peut s’en sortir toute seule, devraient en prendre de la graine.

Si par extraordinaire, le référendum aboutissait à un retrait du Royaume-Uni, alors oui, je l’admets, l’affaire serait sérieuse pour tous les Européens. Sans être désobligeant pour les Grecs, dont je souhaite ardemment qu’ils demeurent, eux aussi, dans l’UE et dans la zone euro, leur sortie de cette zone ou de l’UE ne déstabiliserait rien ni personne. Le danger serait pratiquement, uniquement, symbolique (du genre : eux sont sortis, pourquoi pas d’autres ?…). La Grèce pèse 2% du PIB de la zone euro, elle ne fait plus peur à personne, malgré les rodomontades de Tsipras pour essayer, en vain, de faire plier les autres membres.

En revanche, si la 5ème économie du monde (le Royaume-Uni est passé devant la France, grâce à la City), et un pays de 56 millions d’habitants, sortaient de l’UE, ce serait un choc économique et politique que même le retour de l’Ecosse et du Pays de Galles dans le giron européen ne contrebalanceraient pas.. Et puis, on perdrait aussi une force militaire considérable pour l’UE, qui forme un duo utile avec la France. Pas négligeable, en ces temps où d’autres grands pays européens rechignent à participer à l’effort de guerre contre le terrorisme.

Sur le plan symbolique, le choc serait rude, car tous les europhobes enfonceraient le clou pour dire et redire que ça y est, l’UE se démantèle, d’autres pourraient suivre, etc, etc. Oubliant de préciser en passant que seuls 10% de la population de l’UE la quitterait. Et même moins, si les Ecossais et les Gallois la rejoignent à nouveau. C’est la symbolique politique qui serait forte. Les gens seraient impressionnés. Mais, encore une fois , franchement, cela n’arrivera pas. Il faudra toutefois veiller à aider le Royaume-Uni à ne pas perdre trop la face dans son futur et probable revirement, afin de ne pas exciter les europhobes de son pays à des surenchères inacceptables qui conduiraient à une rupture de la part de ses partenaires européens. Le même raisonnement vaut pour la Grèce, d’ailleurs. Mais une sortie de l’Histoire serait douloureuse pour le fait européen, quand il est …impensable, au regard des enjeux bien compris de part et d’autre, pour le Royaume-Uni.