La dette publique, un fléau politique et social.
19 novembre 2017Si j’ai bien une certitude, c’est qu’il n’y a pas forcément une « bonne » dette et une « mauvaise » dette. En revanche, il y a de bonnes dépenses publiques, utiles, nécessaires, voire indispensables à notre développement économique, à notre progrès social, à notre sécurité et poids dans le monde. Et il y a des dépenses publiques inutiles, de « confort », contreproductives. Si on éradiquait celles-ci, on réduirait déjà nos dettes publiques abyssales qu’on laissera aux prochaines générations. J’ai déjà traité ce sujet majeur dans mon euroblog, au fil des ans, mais là, il faut vraiment faire quelque chose, en France notamment. Car, depuis, nombre de pays de l’UE ont commencé à prendre le problème à bras le corps. Et pas nous. Un grand écrivain a dit : « nous ne possédons pas la terre de nos ancêtres, mais nous l’empruntons à nos enfants ». Il s’appelait Antoine de Saint Exupéry. C’est pareil pour les dettes : il est temps de devenir responsables !
Durant l’été 2014, afin de soulager les Etats membres de l’UE les plus exposés à une dette colossale dont les taux d’emprunt avaient explosé, ce fut le début de la subtile politique du « quantitative easing » par Mario Draghi, le rusé et efficace président de la BCE, consistant en une injection monétaire massive pour racheter des titres de dette et couvrir des emprunts afin de faire baisser les taux d’intérêt et les primes de risques souverains. Succès quasi immédiat, ces mesures « non conventionnelles » pour la BCE (mais courantes pour la FED américaine, et dans des proportions bien plus importantes, grâce à l’Etat fédéral) ont grandement facilité le financement des déficits publics et amélioré la solvabilité budgétaire des pays en réduisant partout (même en Grèce) les intérêts payés sur les dettes publiques (à titre d’exemple, 1% en moins d’intérêt c’est 14 milliards d’économie sur le remboursement de la dette publique en France).
Mais l’environnement risque de changer à terme, avec la hausse des taux d’intérêt par la FED (même si ce sera très lent et graduel), pour ne pas créer une crise de confiance. Avec aussi la montée du prix du pétrole en 2018 et une prévision d’une inflation de 2% en zone euro. La croissance étant repartie, la BCE elle-même devra alors décélérer et réduire ses injections monétaires (1.500 milliards d’euros), même si ce sera progressif, lent, selon les toutes récentes déclarations du « Maître » Mario Draghi, qui nous a habitué à piloter la politique monétaire de la BCE avec beaucoup de doigté et d’intelligence prudente. Il pourrait même préférer le statu quo jusqu’en…2019, date de la fin de son mandat (mais que va-t-on faire sans lui ?!).
Evidemment, cette décélération n’est possible que si tout va bien, c’est à dire sans « pépin » (explosion de bulles et autres subprimes), toujours possible, dix ans après la catastrophe de 2007-2008, dont on vient à peine de sortir. La FED a déjà arrêté d’injecter de la monnaie, mais elle avait commencé bien plus tôt et a injecté beaucoup plus, à peu près 10.000 milliards de dollars ! Eh oui, on ne peut « créer de la monnaie » indéfiniment, sinon la valeur de la monnaie s’effondrerait, et la confiance s’écroulerait vis-à-vis des prêteurs et des investisseurs locaux comme mondiaux. C’est ce qu’on appelle en langage populaire la « monnaie de singe ». Quand on écoute les « propositions » à ce sujet de nombre de politiciens en mal d’élection (faire marcher la planche à billets à vie ; non remboursement des dettes !) on reste confondu par tant d’âneries ou autre « méthode-coué » démagogiques ! Tout le monde le ferait, si c’était viable !
La FED a prévu d’augmenter les taux d’intérêt de 3%. Nous en sommes très loin, côté zone euro. Mais l’économie étant totalement mondialisée, nous suivons toujours le mouvement, de façon certes décalée, et lorsque la baisse des achats de la BCE sera visible, les taux d’intérêts augmenteront mécaniquement sur le long terme, puisqu’il faudra aller chercher des financements à l’extérieur.
Heureusement, presque tous les Etats membres de la zone euro ont fait des efforts en réduisant leur dette publique, ce qui est mesuré par les fameux critères de Maastricht, les taux de déficit et de la dette publique, dite « souveraine ». Le déficit ne doit pas dépasser 3% du PIB du pays, et la dette 60% du même PIB. A ce jour, seules la France et l’Espagne sont au-delà des 3% pour leur déficit, la France devrait (enfin) passer un peu au-dessous d’ici la fin de cette année, ou au début 2018. A noter les bons résultats de la Grèce, qui n’a plus de déficit (!) et retrouve très progressivement la confiance des prêteurs mais garde une dette abyssale que l’on restructure partiellement.
Côté France, le dépassement du taux d’endettement reste monstrueux, puisqu’il reste à 97% de son PIB soit la quasi-totalité des richesses totales produites en un an ! (soit 2.200 milliards par an). Et elle continue à croître malgré les beaux discours, certes de façon moins forte. Nos enfants et petits enfants (une dette pareille met 30 ans à se résorber, puisque l’on continue à emprunter chaque année à 5, 10, 20 et même 30 ans !) ne seront pas fiers de nous…
Heureusement, les investisseurs étrangers (à 60%) nous font pleinement confiance quant au remboursement, et nous prêtent à taux d’intérêt très faibles (à 1 ou 1,5% sur de longues périodes !) mais on n’est jamais à l’abri d’une nouvelle crise type 2008, d’un retournement de confiance envers le pays débiteur (crise politique ; échec de sa politique économique, etc). Je rappelle que 1% d’intérêt d’emprunt en plus génère une augmentation de la dette française de 14 milliards. En plus des 46 milliards d’intérêts qu’elle doit déjà payer chaque année en moyenne, avec les taux bas actuels, au titre du « service de la dette ». Sans compter bien sûr le remboursement du capital. Imaginez quand une agence de notation rétrograde la note d’un pays : l’opinion publique s’en moque, mais tous les prêteurs du monde vont monnayer plus cher leurs prêts à cet Etat, ce qui aura donc des répercutions sur…les gens !
Si vous ne craignez pas les cauchemars, je vous invite à aller sur « Planetoscope.com » voir défiler le compteur, seconde par seconde, de l’augmentation de la dette française. C’est TRES impressionnant : c’est 1500 € de plus par SECONDE !!
Et malheureusement, tôt ou tard, (les crises économiques / financières sont cycliques, tous les 10 à 20 ans…) reviendra le débat sur la solvabilité budgétaire d’un ou de plusieurs Etats très endettés. Sans compter le débat sur le « gâchis » de ces dettes abyssales qui réduisent considérablement nos investissements, car même à taux très bas, ces 46 milliards d’intérêt de la dette française (plus les remboursements du capital !) seraient fort utiles pour la recherche, le développement, les infrastructures, l’école et l’université, la solidarité, etc. Au moment où un vent nouveau souffle sur la relance et la refondation de l’Europe, profitons de l’embellie économique de l’UE et de la zone euro (2,2% de croissance pourraient être atteintes en 2018) pour préparer le long terme et tout risque de crise cyclique ou conjoncturelle au moment où le quantitative easing aura disparu (FED) ou sera réduit (BCE). C’est maintenant qu’il faut réfléchir et agir, pas à chaud lorsqu’une crise ressurgira. Intégrons la zone euro sur la prévention des futurs risques économiques ou financiers en créant des contre-feux efficaces et solidaires dès à présent pour garantir la solvabilité budgétaire de chaque Etat. Car même si les dettes sont (seront) contenues dorénavant à 60% du PIB, leur montant (2.200 milliards pour la France) ne va pas être remboursé sur 2 ans, mais sur des décennies. Donc c’est sur le long terme qu’un pays doit rester crédible, c’est sur le long terme qu’il doit se réformer, pas sporadiquement ou par à coup, et toujours insuffisamment, comme en France..En attendant, la dette croît, sans arrêt, pour atteindre 2200 milliards €, soit 30.000 € par Français !
Il est donc opportun de tenter des solutions audacieuses : restructuration de dettes et mutualisation d’une partie de la dette globale, mise en place des eurobonds. Car sinon, on verra apparaître, dès la fin des achats de dettes de la BCE, la lancinante question : quel pays peut assurer sa solvabilité budgétaire sans restructuration ou mutualisation d’une partie de ses dettes ?
Car le FMI s’inquiète fortement de l’augmentation des risques que fait courir la progression des dettes, tant publiques que privées. Et il prévoit même un scénario catastrophe d’ici 5 ans. Raison supplémentaire pour agir ici, en Europe.
A partir de 2020, le FMI anticipe une hausse rapide des taux d’intérêt, suivie d’une chute de 15% des marchés et de 7% des prix de l’immobilier. Ce qui conduirait à une chute de la production mondiale de 1,7% en moyenne. Et donc à une crise qui serait le triple de celle que l’on a connue en 2008…
Pourquoi un tel scénario et le retour du spectre de la méga-crise financière ? : parce qu’il y a trop de demande et pas assez d’offres sur le marché financier ; en d’autres termes il y a trop d’argent en quête des rares actifs rentables. Avant la crise, c’étaient 16.000 milliards d’obligations qui étaient disponibles. Aujourd’hui seuls 2 milliards d’obligation offrant un rendement supérieur à 4 % sont sur le marché. Pas assez pour satisfaire tous les appétits. Car les flux d’investissement de portefeuille en provenance des pays émergents ont doublé depuis 2 ans. Et une part non négligeable de ces flux proviennent de « la finance de l’ombre », moins regardante sur ses investissements, et donc plus complaisante face aux risques potentiels. Plus grave, la dette privée et publique (en cumulé, celle des Etats, des entreprises non financières et des ménages) des pays du G20 augmente pour atteindre le score historique de 135.000 milliards de dollars, soit 235% du PIB du G20. Affolant. Il n’y a pas que l’Europe, mais on est dans le même bateau…
Petit rappel : le concept de dépense publique englobe à la fois les dépenses de l’Etat, des collectivités publiques et de la Sécurité sociale, notamment.
Encore faut-il se mettre d’accord sur la notion même de « dépense publique », car il y a des pays beaucoup plus « socialisés » c’est-à-dire dont les prestations sociales sont plus « étatisées » (comme la France ou la Finlande) que d’autres, dont les mêmes prestations (éducation, santé, retraite) sont gérées par des caisses privées, avec des cotisations privées (USA, pays anglo-saxons). Les systèmes de protection sont de même niveau, mais leur financement et gestion sont différents. Les soins de santé sont équivalents, naturellement, mais d’un côté le citoyen le financera par des cotisations privées, de l’autre par l’impôt via la cotisation sociale. Idem pour la retraite : en France c’est (pour l’instant) le système par répartition : on cotise tout au long de sa vie professionnelle pour les retraités de la génération « d’avant », et le « contrat social » passé est que les travailleurs suivants paieront votre retraite. Selon les régimes des Etats, l’excès de dépenses ou déséquilibre budgétaire (dû par exemple à plus de retraités et moins d’actifs par rapport aux générations précédentes) génère la même « dette », mais qui sera soit publique (système de répartition), soit privée (système de capitalisation).
En outre, le concept même de « dette publique » recouvre des domaines très différents, et le débat a été relancé depuis la crise de 2007/2008.
En effet, la dette est générée par des dépenses bien différentes : des dépenses de fonctionnement des administrations publiques (Etat et collectivités locales et territoriales), mais aussi des investissements d’avenir, structurels, pour les générations actuelles voire futures : en matière d’infrastructures, par exemple, qui pourront générer des effets de levier positifs.
La dette publique peut provenir aussi de dépenses colossales en matière de défense, de lutte contre le terrorisme, de protection des frontières. Et la question fait toujours débat dans l’UE, car ces fardeaux pourraient (devraient…) être partagés, mutualisés. Par exemple la France, dans ses actions militaires au Mali ou au Sahel finance seule. Ou plutôt finançait seule, car la solidarité commence à se développer, avec le concours de l’Allemagne notamment. La dette provient aussi de toutes les dépenses de solidarité, de cohésion et de lien social (santé, retraite, éducation, lutte contre la précarité et la pauvreté).
On en vient alors, et c’est le plus délicat (surtout à 28 pays, mais aussi au sein de la zone euro !) à tenter, pour diminuer, résorber cette dette publique énorme (qui paralysera les générations futures) de TRIER selon les « bonnes » et les « mauvaises » dettes, donc entre les « utiles » et « moins utiles » dépenses publiques. Vaste tâche qui demandera beaucoup d’énergie, de courage et de diplomatie !
Sur quoi « rogner » ? Sur des investissements d’avenir ? Bien sûr que non ! Helmut Schmidt avait déjà dit, il y a 30 ans : « les investissements d’aujourd’hui sont la croissance de demain et les emplois d’après-demain ». D’autant que ces investissements à taux d’intérêt nul sur les obligations d’Etat à dix ans (merci d’ailleurs, en passant, à l’euro et à la BCE, car une monnaie « nationale » de seconde zone ne nous donnerait pas des taux si bas) offrent une opportunité exceptionnelle de financer des investissements dans les infrastructures, la transition énergétique, la recherche, l’éducation, la formation continue, les dépenses actives pour l’emploi, le numérique. Tous ces secteurs sont d’excellents leviers pour une croissance plus forte, inclusive et soutenable.
Va-t-on « rogner » sur les dépenses de sécurité (au sens large) ? Que nenni ! Surtout par les temps qui courent.
Restent les dépenses de fonctionnement des administrations publiques (au sens large encore une fois). Il y a peut-être, ici ou là, des « économies » intelligentes à faire, grâce aux progrès (productivité) du numérique, dans une territorialisation de plus en plus digitalisée. Certains vont hurler, mais je citerai une (excellente) note du 4 septembre 2016 de la Fondation Jean Jaurès (qui n’est pas spécialement anti sociale) sur les dépenses et dettes publiques, qui, courageusement, reconnaît qu’il y a des dépenses plus ou moins indispensables, en prenant un excellent exemple, celui d’un ménage : « il faut distinguer la situation d’un ménage selon qu’il s’endette pour financer ses fins de mois, ou pour être solidaire avec un enfant qui traverse une période de chômage ou pour acheter son logement ». Tout est dit !
Mais l’enjeu majeur, au niveau de l’UE, ou pour commencer la zone euro, est bien de mutualiser de plus en plus nos dépenses qui appellent – exigent – de plus en plus de solidarité, au moins celles qui concernent la sécurité, la défense, l’environnement, le climat..), et aussi tous les gros investissements R&D utiles pour plusieurs générations (Galileo, Airbus, Ariane Espace, etc…). Les économies d’échelle réalisées baisseront d’autant le niveau de dettes de chacun.
Il faut enfin réformer en profondeur les esprits, donc nos dirigeants, et vite. Car on ne peut imputer les déficits publics à la seule conjoncture économique, aux crises, aux dépenses indues de leurs prédécesseurs. Trop facile. Depuis 1974, la France dérape, vote cyniquement chaque année des budgets de plus en plus insincères, confondant gaillardement dépenses utiles, d’avenir, avec des dépenses à caractère électoraliste, pour acheter la reconnaissance ou la paix sociale, sans compter les gâchis, erreurs ou gaspillages ; tous nos gouvernants ont donc généré de la dette, impunément, sans aucun scrupule pour les générations actuelles et surtout futures. Les crises de 1974, 1993, 2003, 2008 ont bon dos. Même sans elles, la dette globale de la France s’évaluerait encore à 1500 milliards € ! Ensuite, ils ne profitent jamais des embellies conjoncturelles pour redresser les comptes publics. Ce n’est jamais dans leur logiciel. (Pas en France, en tout cas !). Comme dans un mauvais gag, la représentation nationale vote en décembre un budget national qui se terminer neuf ou dix mois plus tard par…une « loi de Finances rectificative » qui complètera un budget initial épuisé, dont les dépenses ont dépassé les recettes. Et là, l’efficace agence France Trésor continuera à emprunter au meilleur taux sur les marchés financiers du monde entier tous les milliards qui nous manquent (de 50 à 100 milliards selon les années). Et on recommencera l’année suivante !
Sur la période 1990-2016, les dépenses publiques ont progressé de 3,6% par an, contre une hausse moyenne du PIB en valeur de 3%. Cherchez l’erreur… Et la progression des dépenses des administrations publiques s’est portée, pour l’essentiel, sur les prestations sociales, notamment celles liées à la santé et au vieillissement. Et en même temps, les investissements publics ont marqué un recul significatif…Pire, lorsque l’on faisait des efforts budgétaires, les investissements apparaissent comme la « variable d’ajustement ». Le recul des taux d’intérêts a permis aux pouvoirs publics de bénéficier de grandes marges de manœuvre budgétaires, sans qu’ils les ciblent sur les investissements d’avenir ! C’était converti en « cagnottes » pour les temps plus durs, ou dans des niches fiscales clientélistes…En outre cette « euphorie » passagère n’incitait pas les gouvernants à faire des réformes de fond. Surtout dans les pays latins de l’Europe du sud. On voit aujourd’hui quels sont les pays à la traîne, de la France à la Grèce. Et aujourd’hui ce sont la France et l’Espagne qui sont encore au-dessus des 3% du PIB pour le déficit, alors que tous les autres pays européens y compris la Grèce sont sous cette barre ! Même s’ils ont aussi des dettes énormes, cela révèle qui fait des efforts ou pas, en outre c’est bien le déficit budgétaire qui génère la dette.
Même s’ils n’en sont pas la seule cause loin s’en faut, les aléas conjoncturels appelés « crise » (par exemple une baisse de la croissance, donc baisse des recettes fiscales) aggravent le niveau d’endettement, surtout si le pays ne s’est pas réformé. Inversement une hausse de l’inflation réduit le taux d’intérêt réel et donc la charge de la dette (mais l’inflation a bien d’autres inconvénients : appauvrissement des ménages et retraités, et hausse du coût des importations !).
Depuis 1980, 85% de la dette publique française a été portée par l’Etat, et depuis 1990, elle a été alimentée aussi par les administrations de la Sécurité sociale. Parfois, l’Etat « reprend » même d’autres dettes, mêmes privées, quand il y a péril, comme pour la SNCF en 2007 : il a repris le service annexe d’amortissement de sa dette, de 19 milliards €. Une bagatelle… La masse salariale de l’Etat (33% du total des dépenses) a baissé depuis dix ans, mais les prestations sociales (23%) ont fortement cru, et les transferts entre administrations publiques représentent 16% des dépenses. Parmi les efforts de réduction des dépenses, c’est le secteur de la défense qui a été le plus touché, entre 1995 et 2015 (réduction d’un tiers de son budget). Gageons que cela va vite ré augmenter ! Plus grave, les dépenses de recherche et développement financées par l’administration publique centrale ont diminué de 17% en dix ans, alors que c’est la clé pour les investissements d’avenir ! Elles ne représentent plus que 1,3% du PIB ! Idem en matière d’éducation. On comprend mieux pourquoi nos exportations et nos brevets s’effondrent. Cercle vicieux, le poids des recettes de l’administration centrale dans le PIB baisse depuis la fin des années 1970 : 23,4% de la richesse nationale en 1980, contre 19,6% en 2015. Toutes ses recettes : les impôts et cotisations sociales (si, si !) ont été réduits de 10% entre 1980 et 2015 (si on a le sentiment d’une hausse d’impôts, c’est parce que la base fiscale (nombre d’imposés) s’est resserrée). En France la moitié des Français ne paye pas l’impôt ! Donc les autres trinquent…Les autres recettes (celles du domaine de l’Etat, et de ses activités industrielles et commerciales) aussi ont diminué. Quant à la TVA, en hausse, elle a été en grande partie affectée à la sécurité sociale. On voit ici que l’Etat « jongle » en permanence et colmate des brèches…Au détriment des investissements publics. Aberrant.
L’Etat a aussi d’autres obligations, avec la solidarité envers les pays les plus touchés par la crise, comme la Grèce, en lui garantissant des prêts. Mais là, il faut déduire le « retour » en taux d’intérêts non négligeables vu qu’on (Allemagne, France, FMI) prête à la Grèce à des taux de 6 ou 7% alors que nos propres créanciers nous prêtent à 0,5 ou 1%, car ils ont plus confiance en nous.(déjà cité supra, mais je renouvelle ici un certain malaise sur le principe, quelque peu immoral !)
La dette publique, c’est aussi en partie (15%) le fait des collectivités locales et territoriales. On note une forte progression des dépenses, et donc un alourdissement de la charge fiscale territoriale (qui n’est pas prêt de ralentir !) qui ne parvient pas à financer totalement ces dépenses…C’est certes lié en partie aux grands mouvements de décentralisation depuis 1981 qui a généré des transferts de compétences importants (transports, éducation, formation) aux collectivités en plein essor et démultiplications de structures (communautés de communes, métropoles, etc). Ainsi, la masse salariale locale a doublé depuis 1980, leur endettement aussi, car elles réalisent aujourd’hui une part majoritaire de l’investissement public, financé pour partie par l’emprunt. Du coup, beaucoup de collectivités sont lourdement endettées. Mais il y a une règle d’or : elles doivent présenter des budgets à l’équilibre, elles. Et leur endettement est circonscrit aux dépenses d’investissement, et absolument pas pour les dépenses de fonctionnement, quelles qu’elles soient. C’est plus strict que l’Etat. Mais leurs impositions augmenteront automatiquement, pour financer le fonctionnement, donc…
L’avenir est compliqué aussi pour les administrations de sécurité sociale, qui ont une forte hausse de dépenses incomplètement compensée par une fiscalisation des ressources. Or, on sait que le poids des dépenses consacrées au risque vieillesse va exploser.
L’endettement public considérable de nombreux pays de l’UE est un enjeu majeur qui déterminera la poursuite de l’intégration européenne et nos niveaux de vie dans le futur. Comme il n’est pas question d’être irresponsable et « d’annuler » ses dettes dans une économie totalement mondialisée où tout le monde ou presque a besoin de l’argent de quelqu’un d’autre (seuls la Russie, l’Argentine ou le Zimbabwe ont osé le faire, et ils le payent encore !), il faut qu’on se « fédéralise » également sur ce terrain là. Les pistes ou projets ne manquent pas, seul le courage politique manque. On pourrait essayer à quelques uns, en avant-garde : un futur ( ?) ministre des Finances de la zone euro, par exemple, pourrait s’atteler exclusivement avec tous ses collègues des «Finances » à ce dossier. Ils pourraient définir ensemble ce qu’il paraîtrait opportun de retrancher de la dette publique la part de l’encours découlant de certaines dépenses jugées utiles à la croissance économique, comme par exemple les dépenses d’investissement, de recherche et de développement . On a déjà ouvert ce débat à propos des dépenses militaires de la France, seule ou presque (l’Allemagne s’engage de plus en plus) à porter le fardeau dans ses opérations en Afrique.
On a réussi ensemble, ou à quelques uns, des prouesses avec Airbus, Galileo : il faut démultiplier ces dépenses d’avenir, dans le numérique, la transition énergétique, un ferroviaire européen, et pas se faire une concurrence parfois déloyale entre Etats membres ! Avec un budget commun, et bien ciblé.
Bien sûr, l’idéal serait aussi de mutualiser une partie des dettes souveraines des Etats membres, en commençant par ceux qui ont l’euro. Cette avancée considérable donnerait une force et un crédit (sans jeu de mots) considérable aux créanciers de la planète (confiance, solvabilité garantie). Pour cela il faudrait créer un « Fonds commun de la Dette », alimenté par des taxes (pourquoi pas la fameuse taxe sur les transactions financières, en …attente depuis 2015), mais aussi par de la TVA et autres impôts. En cas de crise d’un Etat, la solidarité serait immédiate ; souvenons- nous de la lenteur des « négociations » entre Etats membres sur le cas grec, de 2010 à 2014…(ce qui a alourdi la facture !)
La gestion commune de la dette, même partielle, appelle une harmonisation fiscale poussée (déjà traitée dans mon billet précédent), et une gouvernance politique intégrée, ce qui manque toujours à la zone euro. Cela forcerait aussi les « latins », dont la France, à réduire vraiment leur niveau d’endettement et à rendre plus efficient les choix de la dépense publique. Pour nos dirigeants français, de droite comme de gauche, la maîtrise de la dette publique n’a JAMAIS constitué une priorité, jamais. Ils jouent même avec les règles de gouvernance budgétaire européenne, alors que même sans elles, la réduction de la dette s’impose comme une nécessité si on veut être maître de nos choix et de notre destin face au monde. Et même quand ils se résolvent à tailler dans les dépenses, ils ne font pas preuve d’une grande sélectivité, et les économies consenties jusqu’à présent ont concerné les dépenses les plus aisées à réduire, et sans réformes en contrepartie !
Sources : rapport d’information Sénat. Mai 2017