Recherche
Actualités européennes
  • There are no items in this feed.

Calendrier
  • Juin 2023
    LunMarMerJeuVenSamDim
      
     1 2 3 4
    5 6 7 8 9 10 11
    12 13 14 15 16 17 18
    19 20 21 22 23 24 25
    26 27 28 29 30  

  • Évènements à venir :
    • Des événements sont à venir, restez en ligne!
Archives

Vous consultez les archives de L’Euro-blog d’Alain Malégarie pour le mois juillet, 2019.

Elections législatives européennes de mai 2019 : grâce aux citoyens, l’Europe résiste aux nationalismes, renouvelle ses dirigeants et essaie de se donner les moyens d’aller de l’avant face aux grands défis qui la guettent… Décryptage et analyse.

31 juillet 2019

Tout d’abord, et ce fut la première surprise, ce scrutin important pour 513 millions d’Européens répartis dans 28 Etats-membres, a connu un certain succès.

Les prédictions pessimistes, voire inquiétantes, sur une « abstention record », rabâchées depuis des mois par les commentateurs, politiciens et médias, étaient fausses. Non seulement l’abstention n’a pas augmenté, mais elle a significativement baissé, une première depuis…25 ans.

La deuxième bonne surprise, très importante aussi, c’est qu’il n’y a pas eu de « raz de marée » des partis nationalistes et europhobes, une réelle poussée, certes, mais pas une percée. De sorte que cela ne changera pas grand chose, faute de consensus et d’alliances entre ces groupes nationalistes au sein du Parlement européen. Ces partis forment le 5ème groupe du Parlement, mais il passera 4ème, devant les Verts, quand le Brexit sera acté. Mais ils sont profondément divisés entre eux. Ainsi le PiS polonais va au CRE ; le Fidesz hongrois de Viktor Orban reste au PPE ; le mouvement 5 Etoiles va chez les Non inscrits..

A noter néanmoins la progression des votes pour ces listes, qui arrivent en tête dans 3 grands Etats :  France, Royaume-Uni et Italie. Mais stagnent dans les autres Etats voire reculent, comme au Danemark.

Le riche travail législatif du Parlement européen pourra donc continuer sans obstructions majeures, ainsi que - souhaitons-le – la poursuite des avancées de l’Union européenne tant pour les citoyens européens que pour renforcer le poids de l’Union sur une scène internationale de plus en plus concurrente ou agressive.

Ce qui est rassurant c’est que dans les grands moments de choix décisif ou stratégique, les groupes politiques de ce nouveau Parlement, de la droite à la gauche, ont immédiatement su s’unir et faire bloc pour empêcher les partis d’extrême droite et europhobes de prendre la présidence de l’une ou l’autre des vingt Commissions parlementaires. C’est ce que l’on appelle le « cordon sanitaire »…Le loup tourne autour de la bergerie, mais sans en avoir les clés. Or une présidence de Commission donne plus de pouvoir, en temps de parole, en force de propositions de lois et d’amendements, en indemnités octroyées aux partis politiques.

Une élection finalement rassurante

Cette neuvième législature du Parlement européen a donc consolidé, finalement, les forces pro-européennes, grâce aux citoyens européens qui se sont mobilisés. C’est de bon augure pour la suite.

Pour la première fois depuis 1994, le taux de participation a augmenté significativement, de 8,5 %. L’Europe a déjà gagné sur ce plan là. Ce chiffre de 8,5 %, me direz vous, n’est pas, en soi, énorme. Sauf qu’il s’agit quand même de 8,5 % de votants en plus sur…427 millions d’électeurs inscrits. Et comme il y a eu 51% de votes exprimés, cela représente 218 millions de votants, soit 36 millions de votants de plus qu’aux précédentes élections de 2014, ce qui n’est donc pas négligeable. Et le slogan qu’avait choisi l’Union pour cette élection était bien vu :«  Cette fois je vote ». Il fut entendu.

Cerise sur le gâteau, les Jeunes (18 à 24 ans), souvent assez abstentionnistes, se sont mobilisés dans ce scrutin, passant de 28% (en 2014) à 40%, contribuant ainsi à cette hausse substantielle de la participation. Et ils ont plus voté écologiste, en France et en Allemagne surtout. Car l’Europe de «  l’Est » a encore du mal avec la thématique environnementale, privilégiant la forte croissance et la consommation (décalage encore avec l’ « Ouest », même s’il se réduit grâce aux financements européens).

Les raisons de cette meilleure participation électorale ont été décryptées par les services d’Eurobaromètre, qui ont identifié les principaux sujets ayant influencé le vote des citoyens : l’économie et la croissance, le changement climatique, les droits de l’homme et la démocratie, l’influence relative de l’Union face aux Etats-continents…Un contexte international très tendu avec les agressions commerciales de Donald Trump contre la Chine mais aussi contre l’UE (l’allié historique !!), dont il craint la puissance commerciale (l’UE occupant la première place), les cyberattaques de Poutine (il n’y a plus de doute sur les attaques contre Hilary Clinton lors de l’élection présidentielle de 2016), les ambitions commerciales mais aussi géopolitiques de la Chine, qui brigue à terme la première place absolue et crée ses propres « GAFAM » alors que l’Union reste inerte, le Brexit et la déstabilisation rampante du « Royaume Désuni », qui montre chaque jour davantage que l’Union avait quelques avantages…Sans compter la montée inquiétante des nationalismes un peu partout dans le monde (Brésil, Inde, Turquie, etc).

Tous ces évènements en tension ont sans doute joué un rôle dans les opinions publiques européennes lors du vote des élections européennes, amplifiant une reconnaissance des acquis communautaires (seul endroit au monde où l’on vit libre et en paix totale depuis 74 ans), adoptant la célèbre formule : « Quand je me contemple, je me désole, mais quand je me compare, je me console ! ».

Les enquêtes ont d’ailleurs montré que le soutien des citoyens européens à l’égard de l’UE est à son plus haut niveau depuis…1983 : 68% de ceux qui ont répondu estiment que leur pays a bénéficié de l’appartenance à l’Union, et 68% encore lui trouvent plus d’avantages que d’inconvénients. 75% sont attachés à l’euro, et ne veulent absolument pas l’abandonner ! Ce qui explique le revirement spectaculaire de toutes les extrêmes droites (Le Pen ; Salvini..), obligées de faire avec ! D’ailleurs, aucun gouvernement eurosceptique ou europhobe, à l’ouest comme à l’est de l’Europe, ne veut quitter l’Union ; A cause de l’ « exemple » du Brexit, mais aussi pour les incontestables avantages du marché unique, de l’union douanière et bien sûr des dizaines de milliards de fonds européens d’investissements stratégiques qui assurent des emplois, un niveau de vie convenable et une réduction des inégalités entre les territoires et entre les Etats-membres.Un autre chiffre est encourageant : 56% des citoyens interrogés considèrent que leur voix compte dans l’UE.

Du coup, dans ce climat mondial tendu ou délétère, où les propos se radicalisent, dans des postures hostiles (taxes sur les importations, embargo, extraterritorialité américaine (crée depuis 1993 déjà !…), menaces, manœuvres militaires, twitt agressifs, hackers, incertitudes face à un Brexit sans accord…) il semble que nombre de citoyens européens ont voulu non seulement aller voter, mais attendent davantage de l’UE, en terme de protection, mais aussi en termes de consolidation de la construction européenne, de son émancipation (défense, sécurité, liberté de commercer sans l’aval américain, etc…), de son approfondissement pour garder son rang, ses valeurs démocratiques, ses niveaux de vie et tous ses acquis. Il y aurait une prise de conscience collective que l’UE, de par son poids économique, gêne la première puissance mondiale actuelle (USA) et gênera celle qui la remplacera dans une ou deux décennies (Chine), sans oublier l’Inde, en embuscade.. Et on commencerait à comprendre que l’UE est une réussite, mais est très petite démographiquement (7% de la population mondiale ; 5% dans vingt ans!), face aux géants de demain (Asie et Afrique). Bref, plus que jamais, l’Union fait la force, unie dans la diversité. Ce n’est plus une option, cela devient une nécessité vitale.. L’UE est certes perfectible, et doit être rénovée, et approfondie pour répondre aux défis et enjeux majeurs (climat, sécurité, défense, migrants, numérique,etc… car un Etat seul , fut-il l’Allemagne ou la France, ne pèsera plus grand chose dans peu de temps (entre 2030 / 2040) face aux mastodontes actuels et futurs, disparaissant déjà du « TOP 10 » en 2030. Le nier serait irresponsable et suicidaire.

Aussi, les résultats de ces neuvièmes élections législatives sont pleinement en phase, finalement, avec les opinions publiques : 67,5 % des forces politiques au Parlement européen sont pro-européennes, restant largement majoritaires. Certes les forces politiques nationalistes progressent, représentant désormais 27% du Parlement, (23,5% en 2014) mais sont profondément divisées. Eh oui, le nationalisme, c’est la haine de l’autre, malgré quelques tribunes politiques communes et des sourires de façade. Les exemples de division sont légion, je prendrai juste trois exemples : Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur italien et homme fort d’une coalition improbable, ne cesse de demander aux Etats voisins (donc la France en premier!) de la solidarité (essence même de la création de l’ Union) pour se répartir équitablement les migrants. Or Le Pen et quelques autres ne veulent aucun migrant…

Par ailleurs, la Pologne et d’autres pays de l’Est, ou les pays baltes, ou encore la Finlande ne veulent pas entendre parler des Russes (rapport à l’Histoire, tragique et cruelle envers ces populations), alors que Le Pen est reçue par Poutine et financée par ses banques ! Le parti Fidesz d’ Orban grand vainqueur des élections européennes en Hongrie, restera finalement au PPE (parti populaire européen, arrivé à nouveau en tête), car il ne veut absolument pas se coaliser avec les « partis d’extrême droite » comme le groupe « Identité et démocratie » où siègent le RN (France) et la Lega (Italie). Amusant, non ? De même Nigel Farage, autre vainqueur dans son pays avec son nouveau parti «  Brexit Party » ne veut absolument pas sièger avec les partis de madame Le Pen et de monsieur Salvini. C’est fou comme ces gens là s’adorent ! Ce qui n’empêchera pas de temps en temps des votes de connivence, mais ils ne peuvent constituer un groupe politique unique. Tant mieux, le Parlement européen aura ainsi les majorités suffisantes pour voter les lois européennes au bénéfice de 513 millions (453 si Brexit un jour ?..) de citoyens européens.

Ce scrutin de mai 2019 est important aussi, car il a recomposé profondément le Parlement qui, depuis la première législature (1979) était dominé par un duopôle, le PPE et le S&D ( Socialistes et Démocrates). Cette période de quarante ans est révolue.

Examinons les résultats en sièges du nouveau Parlement issu du scrutin de mai , répartis en 7 groupes politiques :

PPE (Droite et Centre droit) : 182

S&D (Socialistes et Démocrates ) :154

Renew Europe  (Centristes): 108

Verts : 74

Identité et démocratie (Extrême Droite): 73

ECR (Conservateurs et Réformistes) : 62

Gauche unitaire européenne ( Extrême Gauche) : 41

Non inscrits : 57

NB : On a élu encore 751 euro-députés, le Royaume-Uni étant encore de plein droit un Etat-membre de l’Union. Après le Brexit, le Parlement européen passera à 705 euro-députés. Quelques pays récupèreront alors quelques députés de plus. Cinq de plus pour la France, par exemple, qui passera ainsi de 74 à 79 eurodéputés.

Les deux grands partis traditionnels sont en recul, mais au profit des centristes et d’écologistes pro-européens. Du coup, ils n’ont plus à eux deux la majorité des sièges (376 députés). C’est la fin du condominium, depuis 1979, du PPE (droite et centre droit) et des Sociaux-démocrates, ils devront désormais composer avec les centristes « Renew Europe » (ex. ALDE) et/ou les Ecologistes. Une valse à 3 ou 4, et non plus un tango à 2 ! Ce sera sûrement plus compliqué pour trouver des consensus à trois, voire à quatre, mais ce sera plus démocratique et plus représentatif des forces politiques de ce nouveau Parlement, par ailleurs très largement renouvelé (à plus de 60%). Et puis, il faut rappeler aussi que le Parlement européen, par tradition, est moins « idéologisé » que des parlements nationaux comme le parlement français par exemple, où on vote le plus souvent en fonction de sa couleur politique et des consignes du parti. Rien de tel à Strasbourg (vote des lois) et à Bruxelles (travail dans les vingt commissions), où on travaille ensemble, sur des projets et des textes concrets, pas sur des postures politiciennes. Il n’y a pas cette « guéguerre » permanente entre majorité et opposition, qui vote contre tout, systématiquement ! Pas de ça au Parlement européen. Chaque directive (loi européenne) rédigée et amendée est le fruit de consensus entre les différents partis, du moins non extrêmistes. Impensable pour l’instant en France. Dommage.

Et cette recomposition à trois ou quatre va même, probablement, générer tant chez les partis que de la part des citoyens une forte attente aussi de politiques européennes plus efficaces pour mieux (euphémisme!) prendre en compte la défense de l’environnement et réussir la transition énergétique ; pour maîtriser une immigration nécessaire ; pour garantir une croissance économique indispensable ; et pour assurer ensemble la sécurité et la défense du continent.

On le mesure bien dans toutes les enquêtes, les citoyens attendent beaucoup de l’Union, qu’ils considèrent comme un acquis, mais largement inachevé.

Mais la balle est avant tout dans le camp, hélas, des dirigeants des Etats-membres, plus souvent préoccupés par leur propre destin, ayant souvent tendance à aller dans « le sens du poil », le courage politique et le sens visionnaire n’étant pas toujours leur première qualité…Gare d’ailleurs à la lecture qu’il font des volontés des peuples, et aux réponses démagogiques ou populistes qu’ils donnent parfois…Les exemples se multiplient, eu Europe comme dans le reste du monde.

« Espérons que les dirigeants ne surestimeront pas l’expression des votes populaires et resteront raisonnables dans son interprétation », disait récemment fort justement Jean-Dominique Giuliani, le président de la Fondation Robert Schuman, à propos de la poussée des extrêmes droites…

Les (grands) Etats à la manœuvre, comme d’habitude…

Le grand « Mercato » à Bruxelles a commencé dès le soir du 26 mai 2019 pour la présidence des 4 Institutions-clés, Commission, Parlement, Conseil, BCE. Ainsi que pour le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Pardon pour ce titre surréaliste, mais dit en mode intelligible, il s’agit d’un « ministre européen des affaires étrangères » en quelque sorte, mais les chefs d’Etat et de gouvernement veillent au grain, refusent ce titre et s’arcboutent encore sur leur « souveraineté diplomatique », leur étiquette, fut-elle désuète ou vacillante face aux géants mondiaux, américains et chinois…

Selon les souhaits d’Emmanuel Macron (très impliqué dans les choix des candidats..) et de ses collègues européens: il fallait avoir la parité (enfin!), 2 femmes et 2 hommes, les meilleurs, les plus charismatiques, et ayant la majorité aussi bien à la présidence du Conseil européen (Chefs d’Etat et de gouvernement) qu’ au Parlement européen (vote des eurodéputés). Et on y est arrivé !

Mais le mercato s’est fait au détriment du système du « Spitzenkandidat », utilisé en 2014, constituant à désigner pour la présidence de la Commission européenne le candidat du parti arrivé en tête aux élections législatives européennes. Pour appeler « un chat, un chat », il y a eu comme un « coup d’Etat » des… chefs d’Etats, Emmanuel Macron en tête. Manfred Weber, le candidat désigné par le PPE, depuis fin 2018, fut éjecté, payant ainsi son attitude quelque peu bienveillante à l’égard de Viktor Orban. Certes, on reprochait à Weber son inexpérience, son manque de charisme, et même le fait qu’il n’ait jamais été ministre ! Pour les politiciens, ce dernier point, c’est une tare, si je comprends bien ? Mais dans quel monde vivent-ils ?!

On peut donc parler de recul de la démocratie représentative au bénéfice d’un intergouvernementalisme triomphant, qui ne cesse de mener la vie dure à la Commission comme au Parlement, depuis des lustres, et, encore, hélas, pour cette nouvelle mandature… On a donc eu cette candidature « surprise » de Madame Ursula von der Leyen, non soutenue par Angela Merkel au départ mais par Emmanuel Macron, qui suggéra son nom à la Chancelière (gag). Elle n’avait donc pas participé à la campagne et a du préparer, en 24 heures, un discours tenant lieu de feuille de route! Discours d’ailleurs profond et pertinent, même si cela ressemblait un peu à un « catalogue à la Prévert », tant « toutes les cases furent cochées », à commencer par l’environnement. Consensus, consensus ! Mais ne désavouons pas de prime abord ce personnage, europhile et brillant, abandonnant son poste de ministre de la Défense, connaîssant bien le fonctionnement du Conseil européen (qui décide de presque tout) et les rouages subtils entre instances. Aussi elle nous étonnera peut-être, si elle s’emploie à essayer de contrebalancer cet intergouvernementalisme excessif et bloquant. Et on oubliera vite ce coup de force si on a une présidente qui fait bien avancer les dossiers. Même si sa majorité (élue au Parlement européen par 383 voix pour, et 327 voix contre, soit 51% et 9 voix de plus que le minimum requis !), est très juste, et pourrait nuire à sa légitimité.

Nous jugerons donc aux actes la nouvelle présidente de la Commission, même si l’on peut se réjouir, au nom de la parité, d’avoir enfin une femme à la tête de l’exécutif européen, après avoir déjà eu deux présidentes au Parlement européen). Agée de 60 ans, francophone et francophile, elle a été ministre fédérale de la famille, puis des affaires sociales et enfin de la défense, proche de Mme Merkel. Cultivée, compétente, volontariste disent de nombreuses gazettes, et européenne très convaincue. C’est de bon augure !

Espérons qu’elle saura résister à l’intergouvernementalisme effréné et travaillera efficacement avec le Parlement. Ce que n’ont jamais su faire ses prédécesseurs, tant les chefs d’Etat sont puissants…Espérons qu’elle aura son mot à dire aussi dans la validation (ou rejet) des candidats commissaires proposés par les chefs d’Etats… Gare cette fois-ci à des propositions de candidats clairement eurosceptiques ou europhobes de plusieurs Etats !!.

Il n’est pas interdit de rêver. Le poids de l’Europe dans le monde en dépend. Cela vaut la peine d’essayer. Les semaines à venir, jusqu’à l’automne, seront décisives pour l’avenir du projet européen, dont les citoyens attendent visiblement beaucoup. Ils nous l’ont dit dans leur vote de mai. Ecoutons les !

Les propositions des noms de commissaires pour la Commission européenne (un par Etat) vont circuler tout l’été, puis chaque candidat aura une audition musclée par le Parlement, qui le validera ensuite…ou le récusera.

Un Parlement recomposé, plus représentatif et très majoritairement pro-européen

Pour le Parlement, c’est fait, concernant les présidences de ses vingt Commissions. L’Allemagne en a eu cinq, la France en a trois, plus une Sous-commission, la Belgique trois. Pas de révolution, les équilibres sont respectés…

Et les euro-députés, siègeant en plénière au Parlement de Strasbourg, ont élu, pour cette neuvième législature, leur président : l’italien David-Maria SASSOLI, social-démocrate (là encore, l’équilibre géopolitique est respecté) . Il a été élu au deuxième tour de vote, ayant recueilli 345 voix, dépassant la majorité absolue de 11 voix. A noter les bons scores, supérieurs à leur base, de Jan Zahradil, seul candidat de droite (160 voix) et de Ska Keller représentant les Verts (119 voix).

Comme dans le schéma 2014, Sassoli siègera à la présidence deux ans et demi pile, laissant la place à un autre candidat pour le seconde moitié de la mandature. Et là je fais le pari que tout sera ouvert : quelqu’un issu de Renew Europe, la troisième force ? Voire des Verts, la quatrième force ? On aura toujours besoin de ces groupes désormais pour avoir des majorités solides. Certes, le Parti populaire européen (PPE) est toujours en tête au Parlement, mais la Commission européenne a déjà une présidente de droite / centre droit.

Wait and see, comme disent nos amis britanniques qui sont…toujours pleinement membres de l’UE ! Mais quand on aime, on ne voit pas le temps passer…

Un mot sur David-Maria Sassoli. 63 ans, social-démocrate, europhile, ancien journaliste connu, membre important du Parti démocrate italien (centre-gauche), le même parti que Matteo Renzi, ancien président du Conseil de l’Italie ou encore Federica Mogherini, cheffe sortante de la diplomatie européenne.

Sassoli connaît bien le Parlement européen, élu eurodéputé depuis 2009, et vice-président de 2014 à 2019. Très apprécié de cette assemblée, il a été chaleureusement applaudi à la suite de son élection, au-delà de son propre camp.

Je rappelle ici que le Parlement européen est l’instance par essence la plus démocratique, puisque représentant la voix des peuples, ses députés étant élus au suffrage universel direct depuis 1979. Son pouvoir est triple : un pouvoir législatif, le vote des lois européennes, les « directives », que chaque parlement national doit reprendre (sur les objectifs à atteindre) dans sa propre loi nationale ; un pouvoir budgétaire (vote et amendement du budget annuel de l’UE et de son cadre financier pluri-annuel de sept ans ; et un pouvoir de contrôle (vote sur le(a) président(e) de la Commission européenne après une audition très poussée, vote également pour chacun des 28 Commissaires après également leur audition. Ils peuvent bien sûr les récuser (c’est déjà arrivé). Mais les pouvoirs du Parlement doivent encore être élargis : ils n’a pas le droit d’initiative des lois (mais madame Von der Leyen a promis de changer les choses sur ce point majeur..), et les dirigeants nationaux lui refusent encore de traiter des thématiques régaliennes (fiscalité, défense, diplomatie et tout autre sujet majeur à la discrétion des…chefs d’Etat). Souhaitons au nouveau président de l’audace et de la ténacité pour améliorer ces prérogatives…

Après l’élection de son président, le Parlement a naturellement voté pour ses quatorze vice-présidents et ses cinq questeurs, puis la composition des vingt commissions parlementaires. Il n’y a plus de vice-président français (Sylvie Guillaume l’était dans la huitième législature), mais deux députés ont été nommés questeurs : Anne Sander (LR, PPE) et Gilles Boyer (LaREM, RE). Ils traiteront les affaires administratives liées aux députés, siègeront au bureau du Parlement qui établit entre autre l’avant-projet de budget du parlement.

Pour les vingt Commissions, les eurodéputés français ont tiré leur épingle du jeu en obtenant trois présidences de Commission et une présidence de Sous-Commission. Pascal Canfin (LaREM, Renew Europe) présidera la Commission de l’ Environnement, Karima Delli ( EELV, Les Verts) celle des Transports, Younous Omarjee (LFI, Gauche unitaire) celle du développement régional et Nathalie Loiseau présidera la Sous-commission Sécurité et Défense (la Sous-commission dépendant de la Commission des affaires étrangères, présidée par un Allemand).

Le Parlement a également validé, le 16 juillet dernier, les nominations proposées par les chefs d’Etat et de Gouvernement concernant d’autres instances majeures de l’UE.

A tout seigneur tout honneur, je commencerai par une institution-clé de l’UE : la Banque centrale européenne (BCE). Le renouvellement de la présidence n’a rien à voir avec l’élection du Parlement européen, vu que l’institution monétaire est indépendante des autres pouvoirs (comme toute Banque centrale), mais le moment du renouvellement est venu cette année aussi, car le mandat est de huit ans non renouvable, et Mario Draghi avait été nommé en remplacement de Jean-Claude Trichet (parti à la retraite) en octobre 2011.

Le choix de Christine Lagarde (63 ans) me paraît fort judicieux, compte tenu de l’enjeu (la BCE pilote l’euro, la politique monétaire, fixe notamment les taux d’intérêt qui impactent le coût de nos crédits, pour les particuliers, les entreprises, les collectivités). Madame Lagarde a fait ses preuves à la tête du FMI depuis huit ans (jugée excellente, diplomate, consensuelle), connaît très bien les attentes des citoyens comme des entreprises, est reconnue pour être pragmatique, et aura peut-être un autre regard, vu qu’elle n’a jamais travaillé dans une banque ! Elle est plus politique que technicienne. On n’est jamais à l’abri d’une nouvelle crise financière à terme (venant de l’Italie, cette fois ?..), et la BCE doit être pilotée par quelqu’un de compétent, déterminé et pragmatique. Comme le fut, avec brio, Mario Draghi.

Et puis, outre leur compétence reconnue, l’Union a deux femmes pour diriger deux institutions majeures, von der Leyen et Lagarde. Quel beau symbole, pour la parité, et pour le monde entier ! Même si des gincheux diront que c’est encore le tandem franco-allemand qui rafle la mise ! (Ndlr : à ce propos, ne dites pas « couple » en Allemagne, on déteste. On préfère « tandem », voire « moteur »).

Enfin, deux autres désignations prestigieuses, quoique moins importantes, car « sous contrôle » des chefs d’Etat, jaloux de leur étiquette : le poste de responsable de la diplomatie européenne, qu’on a osé appeler « Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » (no comment..). , confié à un diplomate, le catalan Josep Borrell, 72 ans, social-démocrate, qui fut il y a quelques années président du Parlement européen. L’homme n’est pas en cause, ni son prédécesseur, l’excellente Federica Mogherini qui n’a pas ménagé sa peine ni ses voyages dans le monde pour expliquer le rôle et le poids de l’UE. Mais la diplomatie est la chasse gardée des grands pays de l’UE, qui s’accrochent à ce « pouvoir » régalien, pouvoir très relatif tournant parfois au ridicule, car divergent entre les Etats! Les exemples sont hélas nombreux… Comme celui de l’assassinat odieux du journaliste saoudien Kashoggi dans une ambassade en Turquie par le pouvoir saoudien. L’Allemagne a aussitôt arrêté de vendre des armes (qui tuent des civils au Yemen..) à l’Arabie saoudite. La France a continué d’en vendre comme si de rien n’était ! Il y a très longtemps déjà, Kissinger, moqueur, demandait « Quand j’appelle l’Europe, j’appelle qui » ? Des décennies plus tard, on en est toujours là, pratiquement. On a 28 micro-diplomaties. Ridicule, face aux USA ou à la Chine…Car où est-elle, la diplomatie européenne ? Et comment peut se faire entendre ce « Haut Représentant  européen……. » face à ces Etats, si puissants et parfois si cyniques ?

Autre poste, celui de président du Conseil européen, qui revient à Charles Michel, belge, 43 ans, libéral, a été ministre et président du Conseil en Belgique. Ce poste est plus technique que politique, il définit l’ordre du jour de chaque Conseil européen (les thématiques des réunions des Chefs d’Etat et de Gouvernement), communique en permanence avec les media sur les conclusions et décisions des Conseils, etc. Mais là encore, les chefs d’Etat peuvent imposer un sujet…ou en retirer un !

L’institution majeure avec le Parlement et la BCE est sans conteste la Commission européenne. Elle a forcément un rôle majeur, en tant qu’exécutif européen. Mais les citoyens lui prêtent trop de poids politique, à mon sens, surtout face, encore une fois, à des dirigeants européens qui veillent à leur propre destin politique. Pour résumer, la Commission propose des textes de loi (elle a d’ailleurs l’initiative des lois) mais le Conseil européen dispose, et le Parlement vote (ou pas) les textes de lois, le plus souvent en co-décision avec les ministres. Bref, la Commission n’impose rien aux Etats, contrairement à ce que serinent consciencieusement depuis des années les europhobes voire même les eurosceptiques. Du coup, la Commission fait peur et est rejetée, elle est trop perçue comme « s’occupant de tout, étant non élue,etc…) malheureusement, à force de répéter des mensonges, ils deviennent crédibles. Le mal est fait.

Non, non et non, la Commission ne décide pas de tout, elle ne décide même de rien ! Est-ce que ce sont les haut-fonctionnaires des ministères qui décident des grandes orientations, des actions stratégiques ? On confond (ou plutôt on veut confondre) le conseil, l’instruction, la rédaction de projets (de lois) avec la décision politique !. La Commission est à l’initiative, certes, c’est même sa fonction première, mais elle n’impose rien ! Si on a eu la CECA, la PAC, l’euro, les fonds européens, Erasmus c’est parce que les gouvernants respectifs l’ont voulu, l’ont décidé, l’ont validé en Conseil européen ! Et personne d’autre !Et qu’ensuite le Parlement européen l’a voté, et aussi les parlements nationaux, dans la transposition des directives en lois…nationales ! Et il est navrant que nos dirigeants ne corrigent pas, en permanence, ces mensonges pernicieux et parfois ravageurs dans les opinions publiques. Ce devrait même être la priorité de la nouvelle Commission, de remettre les pendules à l’heure, dans toutes ses interventions publiques, ses communiqués de presse. Car les chefs d’Etat ne le feront jamais, puisqu’ils se servent de cet immense malentendu ! Cela leur permet en effet d’accuser « l’Europe » en permanence (traduisez « la Commission »!) de tous les maux lorsque leurs propres actions -nationales- ont échoué…Et une fois la directive adoptée, le second rôle de la Commission, gardienne de l’intérêt général, est de veiller à la bonne application des textes adoptés. Lourd travail, à 28 pays !

Une présidente de Commission européenne volontariste, avec une feuille de route très ambitieuse

L’Histoire retiendra peut-être le discours d’ouverture de la session plénière du Parlement européen prononcé par Ursula von der Leyen le 16 juillet dernier, juste avant le vote des eurodéputés qui allaient valider par leur votes sa candidature à la Commission. Vote certes étriqué (cf supra) mais qui sera vite oublié si madame von der Leyen réussit à redonner du souffle au projet européen. Il y a urgence…

Elle a commencé son discours -remarqué- en rendant hommage à Simone Veil, qui était élue présidente du Parlement européen il y a juste 40 ans !

Elle a rappelé ses propres et profondes convictions européennes (son Papa a travaillé à la CECA !), son attachement aux valeurs de paix, de droit, d’union de l’UE, le rôle immense des pères fondateurs…et « des mères fondatrices », les acquis depuis plus de soixante ans.

Elle a vite rappelé aussi que « notre génération » (elle a 60 ans) pensait que ces acquis, que le sentiment de se sentir « partout chez nous en Europe » seraient à jamais irréversibles…

C’était sans compter sur les « mutations déstabilisantes » du monde, auxquelles l’Europe n’échappe pas..Evolution démographique, mondialisation de l’économie, numérisation galopante de notre environnement de travail et, bien sûr, changement climatique (sécheresse, canicule…). La science avait prédit depuis longtemps ces transformations majeures, mais aujourd’hui nous les vivons concrètement. D’où, peu à peu, des populations qui se sont senties dépossédées, voire déclassées, des liens (à l’Europe) qui se sont distendus, et des réponses de certains Etats allant vers le protectionnisme, d’autres basculent vers des régimes autoritaires ou d’autres encore privilégient des rachats de ports, de routes (de la soie), de terres agricoles…

En réponse à ces dérives, elle prône le multilatéralisme, le commerce équitable, l’ordre fondé sur des règles basées sur le modèle européen et l’unité entre nous afin que personne ne nous divise de l’intérieur.

Mais le premier gros chapitre qu’elle ouvre, avec plusieurs propositions concrètes, est sans surprise la question climatique. Ses propositions sont très ambitieuses, on verra si les Etats suivent…Objectif : que l’Europe devienne le premier continent neutre pour le climat d’ici à 2050. Pour y parvenir, elle déploie une batterie de mesures : réduire les émissions de C02 de 50%, voire 55%, d’ici à 2030. Et elle proposera un « pacte vert pour l’Europe » dès le début de son mandat, dont une toute première loi européenne sur le climat qui fera de l’objectif 2050 une obligation légale. Il faudra aussi un plan d’investissement pour une Europe durable, avec la conversion d’une partie de la BEI (Banque européenne d’investissement) en « Banque pour le climat ». elle prévoit également de taxer les émissions pour induire un changement de comportement, ainsi qu’ une taxe carbone aux frontières.

Sur le plan économique et social, madame von der Leyen préconise un rééquilibrage plus juste entre les régions, avec un « Fonds pour une transition juste » pour les régions en difficulté. Depuis le début, l’Europe a été créée aussi pour le rééquilibrage économique et social entre les territoires. C’est bien de ne pas l’oublier.

Pour les PME en quête de fonds, elle veut finaliser l’union des marchés de capitaux, commencée mais inachevée, afin de créer, avec l’union bancaire, un grand marché unique de financement des PME, créatrices d’emploi.

Pour concilier le marché et le social, elle recentrera le Semestre européen sur nos objectifs de développement durable. Elle s’engage également à défendre une fiscalité équitable, afin que les géants du numérique par exemple paient leurs impôts à hauteur de leur bénéfice…

Elle veut aussi un salaire minimal pour tous (Ndlr : ce sujet est très « tendance », mais on oublie de dire qu’il y a déjà 22 Etats sur 28 en UE qui ont mis en place un « salaire minimal », dont le montant est forcément différent d’un pays à l’autre).

Plus intéressant, elle propose un « régime européen de réassurance des prestations de chômage », destiné à faire face aux chocs externes sévères.

Elle promet d’appuyer le Parlement européen qui souhaite tripler le budget d’Erasmus+ dans le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027. Il restera à convaincre les Chefs d’Etat…soucieux de payer le moins possible…

Un autre idée touchante, celle d’instaurer une « garantie pour l’enfance », pour l’accès aux soins de santé et à l’éducation des plus pauvres. On sent dans ses intonations sincères que là c’est la mère de sept enfants qui parle..Cela s’inscrit aussi dans un plan d’action visant à « redonner vie » au socle européen des droits sociaux.

Elle veillera à l’égalité intégrale entre les femmes et les hommes parmi les Commissaires. A la bonne heure ! L’Europe doit donner l’exemple. Depuis 1958, il y a eu 183 Commissaires, dont…35 femmes seulement, soit moins de 20%. No comment…Elle proposera aussi de lutter contre toutes les formes d’inégalités ou de discrimination, à commencer par les inégalités salariales F/H (Ndlr : en France toujours 17% d’écart salarial F/H en 2019 ! Scandaleux) ou la mixité dans les conseils d’administration d’entreprises et d’ajouter la violence envers les femmes à la liste des infractions pénales européennes définies dans le traité.

La nouvelle présidente de la Commission sera très vigilante sur l‘Etat de droit. Aucun compromis dans ce domaine. Elle soutient la mise en place d’un mécanisme européen de protection – et de respect absolu - de l’Etat de droit. On ne peut transiger sur cela, c’est l’ADN de l’UE. Question : osera-t-elle proposer d’aller plus loin dans les sanctions pour les Etats qui bafouent l’Etat de droit (article 7 certes déclenché pour la Hongrie et la Pologne), et couper vraiment les fonds européens à ceux qui persistent ? Elle souhaite même (c’est nouveau !) associer pleinement le Parlement sur ce sujet sensible et majeur. Face aux Etats, très frileux (pour rester poli..) sur ce sujet, l’union Parlement/Commission fera-t-elle la force ?

Puis elle en vient à un autre sujet majeur, celui des migrations.Elle rappelle que au cours des cinq dernières années, plus de 17.000 personnes se sont noyées dans la mer Méditerranée. De par nos traités et conventions, nous avons un devoir légal et moral de respecter la dignité de tout être humain. Nous devons sauver des vies, mais nous devons aussi réduire les migrations irrégulières. Elle rappelle le distingo majeur entre réfugiés et migrants (ndlr : nombre de politiciens mêlent les deux, c’est honteux) ; pour les réfugiés qui fuient leur pays pour sauver leur vie ou leur intégrité, il ne doit pas y voir de « débat » : c’est la convention dite de Genève (28 juillet 1951) qui s’applique, dans sa plénitude, point final.

Madame von der Leyen souhaite adopter un nouveau pacte sur la migration et l’asile, notamment réformer les règles de Dublin et renforcer l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Nous avons besoin de solidarité et d’entraide…

Sur la scène internationale, l’Europe doit s’affirmer bien plus. « Il nous faut déjà avoir le courage de prendre les décisions de politique étrangère à la majorité qualifiée et de les soutenir de manière unanime »

Nous garderons notre dimension transatlantique (OTAN) mais nous devons devenir plus européens. Nous avons créé l’Union européenne de la défense (logée dans l’OTAN..), mais nous devons aller plus loin pour parvenir à une Union européenne de la sécurité et de la défense.

Elle évoque bien sûr un des gros casse-tête de l’Union, le Brexit, qui n’en finit pas..de finir ! Elle respecte le vote des Britanniques, tout en le déplorant. Elle précise que « quoi qu’il en soit, le Royaume-Uni (désuni, je dirais…) restera notre allié, notre partenaire et notre ami ». Elle veillera aussi au « maintien des droits des citoyens ainsi qu’à la préservation de la paix et de la stabilité sur l’île d’Irlande » tels que prévus dans l’accord de retrait entre le RU et l’UE, mais non voté par le parlement britannique…(au moment où elle parle, Boris Johnson n’est pas encore Premier ministre)…

Surprise de taille (qui montre peut-être un caractère trempé..), elle va à contre-courant de Michel Barnier, négociateur en chef du Brexit pour l’UE, et de certains chefs d’Etat (Macron en tête) qui répètent à l’unisson qu’il « n’y aura pas de nouvelles négociations, vu que tout a été vu et revu en 19 mois d’ardues négociations ». Or elle se dit disposée à reporter une nouvelle fois la date de retrait du RU fixée au 31 octobre 2019, “s’il y a une bonne raison” précise-t-elle. Ndlr : j’imagine l’ambiance, au prochain Conseil européen, où siège bien sûr le président de la Commission européenne !

Ceci dit, depuis sa désignation, le fantasque et caméléon Boris Johnson ne cesse de proclamer avec la mesure et la diplomatie qu’on lui connaît que le RU quittera coûte que coûte (ndlr : ce mot, c’est bien le cas de le dire!!) l’UE le 31 octobre, avec ou sans accord. Donc « sans », vu que le parlement britannique est déjà en congé jusqu’à début septembre, il resterait donc 60 jours pour tout renégocier ? De qui se moque-t-on ?

La fin du discours d’Ursula von der Leyen aborde un sujet capital : la démocratie européenne, pour laquelle elle souhaite un nouvel élan.

Elle veut (et pas « souhaite ») « que les citoyens européens jouent un rôle moteur et actif dans la construction de l’Union de demain ». Et pour cela elle développe trois pistes intéressantes :

La première est de lancer une grande conférence sur l’avenir de l’Europe, avec les citoyens naturellement. Elle commencerait en 2020 et durerait deux ans.

La seconde est de revoir le système de désignation des candidats à la présidence des instances-clés, encore une fois phagocyté par les chefs d’Etat qui veulent tout chapeauter et contrôler, méprisant de fait la Commission et le Parlement.

Mais il faudra aussi revoir le système des « têtes de liste » ou « Spitzenkandidaten », sélectionnés par les groupes politiques du Parlement, que…personne ne connaît ! Mais là, pour être honnête, on en revient toujours à la même cause gravissime : l’absence de communication et de pédagogie de la part des media et des politiciens nationaux sur le fonctionnement des institutions européennes. Car ces têtes de liste ont été désignées démocratiquement par leurs partis, fin 2018. Qui en a parlé ? C’est donc facile, bien après, pour les chefs d’Etat , de les récuser d’un revers de main pour en prendre d’autres ! Boris Johnson aussi , vient d’être élu par les militants du parti conservateur. Démocratiquement. Personne ne le conteste, là. Alors pourquoi ce qui est possible dans un Etat ne le serait plus à l’échelon européen ?

L’action essentielle à faire serait que le Parlement et la Commission préparent un texte de loi sur la transparence des campagnes, des désignations de candidats, sur des temps d’information et de parole obligatoires pour tous les media, comme cela se fait pour chacune de nos élections nationales. Espérons que madame von der Leyen sera convaincante. Elle propose aussi des listes transnationales, ce serait dèjà un bon début pour européaniser les campagnes électorales où l’on a beaucoup plus débattu cette année encore sur des problèmes nationaux qu’ européens…

L’articulation (enfin?) du travail de la Commission avec celui du Parlement européen sera facilitée si elle réussit à faire aboutir son excellente proposition de donner au Parlement le droit d’initiative des projets de lois .

Il faut saluer une telle proposition émanant de la présidente de la Commission qui a, l’exclusivité, justement, de l’initiative des propositions de lois !

Pour être plus précis, en fait, le traité de Lisbonne a donné au Parlement la possibilité d’élaborer et d’adopter des résolutions législatives, mais non contraignantes . Avec cette proposition d’Ursula von der Leyen, ces résolutions feraient désormais obligatoirement l’objet d’un acte législatif de la part de la Commission. Ce qui change tout !

Un bon tandem Commission / Parlement donnerait assurément plus d’efficacité à l’action communautaire et une meilleure visibilité pour les citoyens.

Elle souhaite aussi créer deux vice-présidences exécutives avec des responsabilités particulières. Chacun en a déduit qu’il s’agirait de Frans Timmermans et de Margrethe Vestager, qui étaient aussi deux « têtes de liste » compétentes pour leurs partis respectifs (social-démocrate et libéral-centriste).

Un bonne chose à mon sens que la Commission soit plus ouverte et plurielle à son sommet.

Si elle réussit enfin à imposer la codécision avec le Parlement sur tous les sujets (85% actuellement) , la fin de l’unanimité au Conseil sur les questions d’environnement, d’énergie, sociales et sur les taxes (il faudra l’unanimité pour y parvenir, certes), on aura fait là encore un bond en avant.

Ce programme très riche est assurément prometteur , il y a déjà énormément de choses, sans doute plus que lors des programmes de ses prédécesseurs.

Il reste à savoir ce que les Chefs d’Etat voudront bien accepter, ou faciliter…Les aspects relationnels sont très importants aussi, mais nous sommes là dans l’inconnu…

Ursula von der Leyen semble très volontariste, mais n’ a toutefois pas abordé les sujets qui fâchent, ou les « chasses gardées », comme la nécessaire harmonisation fiscale . Aucune proposition non plus sur le budget européen, insuffisant, et le (futur) budget de la zone euro, franchement indécent. L’ UE est divisée de l’intérieur, mais le plus grave est qu’elle est attaquée de l’extérieur, et doit réagir vite pour sauvegarder ses valeurs comme son niveau de vie. Cela passera par une refonte (et adaptation) profonde de sa politique commerciale et de concurrence (à peine abordée), pour créer dans nombre de secteurs des champions industriels européens ( numérique, batteries, voitures électriques / hydrogène, ferroviaire, acier, etc) pour résister aux géants d’aujourd’hui et surtout de demain. On aurait du faire la fusion Alstom-Siemens. Ou celle de Renault-Fiat-Chrysler. L’union fait la force, toujours.

On aura besoin de toutes nos forces, d’unité et de solidarité, et d’une excellente coopération entre nos institutions (Parlement, Commission, BCE) . Le monde est complexe, tendu, très concurrentiel, parfois agressif. Notre Europe a bien des atouts, qu’elle néglige parfois.

Les élections législatives européennes ont été bonnes pour la poursuite du projet européen. Entendons et respectons le vote des citoyens. Il est majoritairement pro-européen, mais il attend des réformes et des résultats, aussi.

C’est là toute la complexité des choses. Un Europe-puissance doit émerger, s’affirmer, et répondre à la fois aux attentes légitimes des citoyens et aux enjeux et défis du monde qui ne partage pas toutes nos valeurs ou méthodes…Et les réponses simplistes de repli sur soi et de fermeture seraient suicidaires.

Restons optimistes, et volontaristes, avec cette nouvelle équipe de dirigeants européens qui fera j’espère ce qu’elle promet…

Victor HUGO devrait nous donner du courage, lui qui, visionnaire, disait il y a 170 ans : «  Le passé appartient aux princes de la tyrannie ; l’avenir appartient aux Etats-Unis européens  ».

Puisse-t-il être entendu, enfin !

Très bel été à tou.te.s, et rendez-vous à la rentrée !