A crise exceptionnelle, mesures européennes exceptionnelles sur le plan économique et social
Quatre mois après l’apparition des premiers cas de coronavirus ou « Covid-19 » selon sa dénomination scientifique, l’épidémie est devenue mondiale, touchant 183 pays sur 195, et son épicentre s’est déplacé en Europe, d’où les pics de crise attendus, et ravageurs.
Contrairement à diverses allégations proférées par divers irresponsables (politiciens, médias), l’Union européenne, depuis le début des premiers symptômes, s’est évidemment mobilisée sur les mesures à prendre, étant précisé toutefois que ce sont les Etats-membres qui ont la « main » sur les politiques de santé, l’Europe n’étant hélas qu’en compétence d’appui. Néanmoins ses dispositifs ou recommandations, validés le plus souvent par les 27 ministres de la santé, doivent être pris en considération, ce que font d’ailleurs la plupart des Etats, même s’ils continuent d’agir en ordre dispersé. Et l’Europe ne s’est pas privée d’agir, loin s’en faut, chaque fois et partout où elle le pouvait…
Mais l’heure des bilans - qui seront forcément différents d’un pays à l’autre - et des polémiques n’est pas vraiment venue. L’heure est à la mobilisation générale et à la solidarité entre Etats membres, surtout.
Je vous propose de récapituler, uniquement, les propositions et actions de l’Union européenne en matière économique et sociale.
Car, après la crise sanitaire, il faudra gérer la crise économique, dont on voit déjà les prémices avec les chiffres conséquents, rien qu’en France, du chômage partiel. Mais aussi les difficultés de faire re-démarrer la circulation des marchandises et des personnes dans le marché unique, de faire repartir les exportations et importations. Et surtout de tenter de limiter l’impact sur le pouvoir d’achat des citoyens européens, pour que l’optimisme et la consommation repartent, et à travers eux, la croissance.
· Mise en place de fonds de solidarité
L’absence d’accord des 27 Etats membres, et même des 19 (Zone euro) au dernier Conseil européen du 26 mars sur la mutualisation des dettes publiques entre Etats membres via un système d’ eurobonds (emprunts communs), déjà proposés en 2011 lors de la crise financière pourrait déboucher néanmoins sur d’autres actions fort intéressantes sur le plan de la solidarité.
1/ La Commission européenne proposera le 7 avril, à la réunion des Ministres des Finances de la zone €, un dispositif pour les travailleurs privés de revenus du fait de l’épidémie mondiale, destiné à éviter une explosion de licenciements et soutenir les Etats qui mettent en place (et paient) des mesures de chômage partiel.
100 milliards € seront mis à disposition des Etats. Cette somme sera empruntée sur les marchés mais garantie par les Etats membres pour avoir les taux les plus bas (voir nuls ?).
Ce dispositif est baptisé SURE (Support to mitigate Unemployement Riskes in an Emergency), en bon français : soutien pour atténuer les risques de chômage en cas d’urgence. Il sera destiné aux régions les plus touchées.
Le Commissaire européen à l’emploi, Nicolas Schmidt, justifie cette proposition d’urgence par l’explosion du nombre de chômeurs, de courte ou moyenne durée, et du chômage technique.
Il faut agir dès maintenant, sinon on aura une crise sociale dans les mois (et année?) qui viennent, sans précédent !!
Ce dispositif sera examiné par l’Eurogroupe (19 Etats de la zone euro, 332 millions de citoyens), réuni en urgence ce mardi 7 avril.
2/ Thierry Breton, Commissaire européen au Marché intérieur, propose aussi de créer un « Fonds européen de reconversion industrielle » afin que tous les Etats y aient accès pour « sauver leur tissu industriel ».
3/ La Commission prépare également actuellement une nouvelle proposition de budget pluriannuel 2021-2027, revue et corrigée, pour relancer la machine économique dès l’épidémie finie.
4/ Miracle !! Les Pays-Bas, après leur refus catégorique d’eurobonds, assouplissent leur position : ils envisageraient aussi un « Fonds Corona » européen temporaire, de 10 à 20 milliards €, auquel leur pays « serait prêt à contribuer substantiellement » Comme quoi, il ne faut jamais désespérer, les Etats fourmis peuvent aider aussi les Etats cigales.
Ce Fonds serait financé par des « dons » (publics / privés ?) et destinés aux pays les plus touchés, frappés par l’épidémie et ses conséquences (donc l’Italie qui était déjà en grande difficulté avant la crise sanitaire, l’Espagne, etc…)
5/ La France, via son ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, propose à son tour un nouvel instrument de sauvetage européen, géré par la Commission européenne, en complément du budget de l’Union. Ce « fonds » serait limité dans le temps, mais avec une possibilité d’endettement.
Le 7 avril sera donc une date importante pour la zone euro, avec des propositions innovantes qui « contournent » le système commun d’eurobonds sans les nommer ! Si tous ces dispositifs étaient adoptés, on aurait fait un pas de plus vers la solidarité. Comme disait Jean Monnet, « l’ Europe n’avance que dans les crises ». Et celle, économique, qui se profile promet d’être sévère…Il faudra beaucoup aider les salariés et les entreprises.
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· La flexibilité budgétaire
A crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles !
Si l’UE n’a pas tellement de pouvoir sur les politiques de santé, par contre elle a des moyens financiers pour agir.
- LLe premier concerne le budget pluriannuel de l’Union (2021-2027)
La Commission demande aux Etats-membres de ne pas « geler » les fonds en prévision de leur participation au budget communautaire, mais de débloquer immédiatement 7,5 milliards € en soutien aux hôpitaux et aux entreprises en difficulté.
- LL’UE va également se porter garante de prêts à hauteur de 8 milliards € afin de soutenir l’activité économique.
Ces 8 milliards s’ajoutent bien sûr aux 750 milliards injectés par la BCE aux 19 Etats-membres de la zone euro, consistant à racheter leurs titres de dettes souveraines, et même les dettes privées des entreprises, en garantissant les prêts des banques aux taux les plus bas possibles. Mesures de la BCE que j’ai déjà évoquées dans mon précédent blog.
- SSi toutes ces mesures ne suffisaient pas à terme, et si la situation économique est très récessive, l’UE déclenchera le Mécanisme européen de stabilité (MES) mis en place après la terrible crise financière puis économique de 2008. Ce mécanisme est une sorte de « FMI européen » pour la zone euro. Il aide les pays trop endettés par des prêts à des taux beaucoup plus faibles que ceux qu’obtiendraient, seuls, les Etats fragilisés. Il peut lever 410 milliards €.
· Une clause dérogatoire au Pace de stabilité et de croissance
L’UE s’engage immédiatement aussi à desserrer temporairement, jusqu’à la fin de la pandémie (voire après ?…), les critères de convergence du Pacte de stabilité et de croissance, notamment le respect de ne pas dépasser 3% du PIB pour le déficit et 60% du PIB pour la dette publique.
La Commission justifie cette flexibilité car « cette crise constitue une circonstance indépendante de la volonté des gouvernements ayant des effets sensibles sur les finances publiques ». En fait, elle déclenche une clause relative aux circonstances inhabituelles, déjà prévue dans le Pacte. Ainsi, toutes les mesures budgétaires adoptées aideront à faire face aux besoins des secteurs de santé, mais aussi pourront venir en aide à tous les autres secteurs touchés.Et ils seront nombreux…
Ceci démontre en passant la souplesse de l’UE quand la situation l’exige.
Attention toutefois : en aucun cas, la Commission européenne n’a supprimé, comme j’ai pu le lire parfois, le Pacte de stabilité et de croissance. Elle ne donne pas de blanc-seing aux Etats membres. Elle leur permet juste de « passer cette période terrible ». C’est bien précisé : ” La clause dérogatoire ne suspend pas les procédures du pacte de stabilité et de croissance. Elle permettra à la Commission et au Conseil de prendre les mesures nécessaires de coordination des politiques dans le respect du Pacte, tout en s’écartant des obligations budgétaires qui s’appliqueraient normalement “. A bon entendeur ! Les cigales restent sous surveillance, mais bien plus tard.
· La Commission considère également que la situation justifie de revenir sur les règles de concurrence strictes.
Elle accepte donc des aides publiques d’Etat exceptionnelles aux entreprises en difficulté, comme le prévoit d’ailleurs l’article 107.3b du TFUE. C’est la Commissaire à la concurrence Margrethe Vestager qui est à la manœuvre.
Par exemple, le gouvernement français est donc pleinement autorisé à activer massivement les prêts à taux faibles voire nuls de BPI France (la Banque publique d’investissement). Au total, le gouvernement mobilise 300 milliards € pour préserver les entreprises en difficuté sur le plan trésorerie. Il se porte donc garant de tous les prêts accordés aux entreprises par BPI France.
-a La Banque européenne d’investissement (BEI) mobilise également en priorité une partie de ses prêts à taux très bas sur le volet sanitaire tant que la crise virale en Europe perdurera (déjà 8 milliards de prêtés)
Même si les politiques de santé restent la « chasse gardée des Etats », l’UE prouve tous les jours son immense implication et sa solidarité face à cette pandémie virale mondiale, très grave.
Il est navrant que les citoyens européens ne soient pas plus informés par leurs gouvernements et médias de toutes les actions bénéfiques et efficaces de l’UE, depuis le début de cette crise sanitaire. Ils nous parlent tout le temps sur les radio et TV. Mais les instances et agences de l’UE ne sont jamais invitées. Un manquement, ou un gâchis de plus.